lundi 29 janvier 2018

Principes du MJ

L'une des grandes force des jeux propulsés par l'Apocalypse est de définir explicitement les grands principes que le MJ doit suivre pour bien mener une partie de ce jeu (et pas un autre). Voici un premier jet des principes du MJ de #NephilimNarrativoVegan.

(Je vous laisse proposer dans les commentaires un nom cool couleur Nephiloth qui remplacerait "MJ")

Principes du MJ

Dépeignez un univers occulte contemporain

Insistez sur le contraste entre le monde profane moderne et la sapience multimillénaire. Expliquez les détails les plus triviaux par une histoire invisible que seuls les initiés connaissent, mais faites achopper des complots occultes sur les tracas de notre époque. Prenez plus au sérieux les enjeux ésotériques, les symboles et les analogies que la géopolitique, l’économie et la rationalité. Montrez le potentiel de réenchantement du monde.

Adressez-vous aux personnages joueurs

Vous êtes en partie responsable de ce que les PJs voient, entendent, pressentent. Plongez-les dans le monde occulte contemporain, passez les informations qu’ils reçoivent au tamis des sens de leur simulacre ou de leur sensations magiques. Parlez-leur comme s’ils étaient réels, juste en face de vous.

Donnez aux PNJs un nom, une quête et une couleur

Dès qu’un nouveau PNJ intervient, donnez-lui un nom et une passion. S’agit-il d’un comptable à la retraite fasciné par les OVNI ? D’une religieuse moderne voulant kickstarter la restauration du toit de son couvent ? D’un templier persuadé que la Sainte grenade d’Antioch lui permettra de mener à bien sa croisade contre les Nephiloth ? D’une Nephila en quête de la Toison d’or dans les Akasha ?

Faites des arcanes mineurs des adversaires mais pas seulement

A première vue, les sociétés secrètes humaines sont les ennemis des Nephiloth et cherchent à les éliminer ou à les asservir pour mieux dominer le monde. Mais les quatre arcanes mineurs ont des buts différents et rentrent aussi souvent en conflit entre-eux qu’avec les immortels, sans compter les querelles internes. Il se peut qu’un ou plusieurs PJs s’allient ponctuellement ou durablement avec une société secrète contre un ennemi commun ou autour d’une quête commune. Faites de ces alliances contre nature des points de dissension entre PJs et n’hésitez pas à les conclure par une trahison.

Montrez que chaque action a des conséquences

Ne demandez jamais de test qui ne puisse avoir un effet sur le monde. Soit l’enquête progresse, soit l’histoire progresse, soit le personnage progresse. Et la progression n’est pas forcément plaisante ni même dirigée vers l’avant. La perte, la destruction, la mise en danger font partie des conséquences intéressantes possibles. Évitez pourtant qu’une action annule simplement les conséquences d’une précédente.

Ramenez les Nephiloth à leur condition

Les Nephiloth sont déchues, isolées des champs magiques qui les ont vu naître et trop pollués par l’orichalque pour les soutenir. Leur pentacle est couturés de cicatrices qui sont autant d’oublis grevant leur mémoire pourtant multimillénaire. Elles sont incarnées dans un corps qui leur est étranger et peut se rebeller à tout instant, véhicule précaire dans cette époque qui leur est étrangère. Les règles de Mnémos, d’Ombre, d’effet Jésus, etc. sont là pour rappeler brutalement les Nephiloth à leur condition. De temps à autre, soyez plus subtil et évoquez cette condition à travers les mots d’un PNJ ou en décrivant un manque mélancolique qui étreint le pentacle de la Nephila.

Utilisez régulièrement des rites du MJ mais avancez masqué

Vos rites, décrits dans le paragraphe suivant, diffèrent de ceux des PJs. Vous devez les utiliser pour maintenir la partie sous tension mais ne devez pas prononcer leur nom afin de ne pas rompre brutalement l’immersion des joueurs. Bien sûr, ce bel idéal ne pourra être toujours parfaitement maintenu, et ce n’est pas bien grave ; il vous faudra en effet régulièrement mettre les choses au clair, expliquer des points de règles, etc.
Pensez à ce qui se passe quand les PJs ne sont pas là :
Réfléchissez à ce que font les PNJs hors-champ, lorsqu’ils ne sont pas en présence
d’un personnage-joueur. Quand vous êtes sur le point d’appliquer l’un de vos rites, demandez-vous ce qu’ont fait les PNJs depuis leur dernier contact avec les PJs. Est-ce que les conséquences de leurs actions hors-champs apparaissent soudainement ? Qui aurait la possibilité d’intervenir dans la scène présente ?

Parfois, laissez quelqu’un d’autre décider

 Lorsque vous avez le choix entre plusieurs options et ne savez pas laquelle choisir, laissez les autres joueurs prendre la décision à votre place. Ou laissez un PNJ décider : mettez-vous dans sa peau, et laissez-le vous dicter son choix.


dimanche 28 janvier 2018

Rite de Rome

Ca n'a pas été facile de détacher le rite de Rome de #NephilimNarrativoVegan de son origine, la procédure battre le pavé de Magistrats et Manigances. Très tôt, j'ai eu l'intuition que la première phase de l'enquête de Nephiloth était de se mêler aux profanes pour mieux déceler les éléments occultes qu'ils ne savent pas voir. C'est l'équivalent de l'assistant du magistrat qui collecte des rumeurs plus ou moins fiable. Du coup mon premier jet permettait d'obtenir le niveau d'information le moins fiable: le symbole, équivalent de la rumeur dans M&M.

Plus tard, j'ai écris le système du corpus et j'ai eu l'impression que le rite de Rome faisait doublon. Le premier test a confirmé cette impression et a montré que le corpus fonctionnait mais pas le rite de Rome. Il fallait donc bien distinguer le corpus qui s'exploite depuis la sécurité de son fauteuil et le rite de Rome qui oblige à de déplacer sur le terrain, à véritablement se mêler aux profanes. Le premier n'offre que des symboles trop librement interprétables ; le second permet d'obtenir des informations de première main, éventuellement des informations occultes.

En commençant de le reprendre suivant le système de Libreté, je me suis ensuite persuadé que le rite de Rome était un jet de perception. Mais alors il était très difficile de distinguer un échec d'une réussite excessive.

Je suis alors revenu à la définition de la fiction qui déclenche et accompagne ce rite : une initiée qui se mêle aux profanes, qui essaye de passer pour une profane, tout en cherchant à soulever le voile de l'occulte. L'échec est alors de ne d'obtenir que des informations profanes sans arriver à passer pour une profane, avec des conséquences dont le MJ est juge. La réussite excessive, c'est de mettre les pieds dans le plats, de trop bien soulever le voile de l'occulte.

Rite de Rome (se mêler aux profanes)

Lorsqu’une initiée est sur le terrain, voulant paraître une profane parmi les profanes, tout en cherchant à soulever le voile de l’occulte par ses observations, elle pratique le rite de Rome. Il peut s’agir d’arpenter une ville, d’engager la conversations dans un bar, de visiter un musée pendant les heures d’ouverture, mais pas de rester dans son fauteuil à lire les journaux ou consulter des sites profanes. Un échec permet tout de même d’obtenir des informations profanes sur les lieux visités ou les activités profanes qui s’y pratiquent, mais le MJ peut frapper aussi fort qu’il le veut, voir les rites du MJ.
Réussites possibles :
Est témoin d’une activité occulte.
Découvre un lieu ou un objet chargé.
Se fait connaître d’une autre initiée.
Débordements possibles :
Éveille l’attention les profanes
Dérange une activité occulte
Laisse une piste facile à remonter

samedi 27 janvier 2018

Jet de perception et partage de la narration

Le jet de perception est un classique du jeu d'enquête. Le personnage effectue une action pour trouver des informations. Le joueur aimerait obtenir un indice, c'est-à-dire une piste, ou un élément qu'il va devoir interpréter pour résoudre une énigme.

Dans un jeu de rôle traditionnel, comme Nephilim, le joueur décrit où et comment il recherche des indices, le MJ demande un jet de perception (ou bibliothèque, ou vision Ka, etc.). Si ce jet est réussi, l'indice est donné. Si le jet est raté, l'indice n'est pas donné et l'enquête piétine. C'est, de mon point de vue, la pire façon de faire.

Il y a d'autres solutions, très bien énumérées dans une interview de Benjamin Kouppi (co-auteur de Magistrats et Manigances) par Steve Jacoubovitch pour Radio Rôliste.
  • Dans le système Gumshoe, l'indice est préparé à l'avance par le MJ, donné de toute façon, et le jet sert à éclairer plus ou moins l'indice.
  • Dans Lacuna et InSpectres , le joueur a l'autorité narrative pour décrire lui-même l'indice que son personnage découvre.
  • Dans M&M, l'indice peut être improvisé par le MJ ou préparé à l'avance, est donné de toute façon, et le jet de dé sert à déterminer ce qu'il en coûte au personnage.
Personnellement, c'est la solution de M&M qui me plaît le plus. Alors, comment l'implémenter sans pour autant utiliser le système de résolution de M&M ?

Le système de Libreté formalise le partage de la narration. Le MJ décrit l'échec, le joueur choisit son type de réussite parfaite et la décrit, et dans le cas d'une réussite excessive le joueur choisit et décrit sa réussite puis le MJ choisit et décrit un débordement. Ca permet un jeu où tous les participants, joueurs ou MJ, peuvent créer ensemble l'histoire. L'histoire ne peut pas être confisquée par l'un des participants, y compris par le MJ.

J'ai passé environ une semaine à me dire que c'était difficilement compatible avec l'approche du jet de perception de M&M. Comment laisser la narration au joueur lors d'une réussite sans tomber dans l'approche de Lacuna ou InSpectres ? Je ne suis pas enthousiasmé par la perspective de jouer la surprise feinte lorsque mon personnage trouvera un indice que je viendrai d'inventer. En jargon forgien, on appel ça une violation du principe de Czege, qui dit que le fun est tué lorsque le même participant pose et résout de lui-même une situation.

J'ai dépassé cette difficulté en listant les grands principes qui ont guidé la conception de M&M, parfois mieux exprimés dans l'interview Benjamin Kouppi que dans le texte du jeu lui-même:
  • Certains moves donnent forcément un indice et le jet ne fait que déterminer ce qu'il en coûte au personnage.
  • Tous les moves offrent la possibilité au joueur d'obtenir un indice, parfois à la place de la réussite souhaitée par le personnage.
  • C'est au MJ de définir l'indice, mais pas la façon dont il est obtenu.
Les deux premiers points sont des règles de conception qui me concernent en tant que créateur quand j'écris les rites de #NephilimNarrativoVegan. Le dernier point est une règle de jeu qui concerne directement les participants autour de la table de jeu. Il faut par contre que le système de résolution soit compatible avec cette injonction et l'encourage.

Je joueur peut bien avoir autorité sur la narration, mettre l'intelligence, la chance, la maladresse ou la compétence de son personnage en valeur, décrire précisément les circonstances de la découverte de l'indice, et en même temps le MJ garde l'autorité sur l'indice lui-même et l'information qu'il porte. Il y a donc un dialogue, une conversation entre le MJ et le joueur. Dans ce cas de réussite, c'est le joueur qui a la main, c'est lui qui pose des questions et le MJ qui est tenu d'y répondre. Si la réussite est excessive le MJ prend ensuite la main sur la narration pour décrire le débordement.

Si on résout un rite qui donne forcément un indice (Rome, Alexandrie, vision Ka, etc.) en cas d'échec, l'indice est donné dans les circonstances narrées par le MJ, très probablement désagréables pour le personnage. Il y aura bien une question, du MJ au joueur : "qu'est ce que tu fais ?" qui conclura la résolution du rite.

jeudi 25 janvier 2018

Un système plus proche de la fiction : Libreté

J'ai commencé à retravailler #NephilimNarrativoVegan en utilisant le système de Libreté (de Vivien Féasson) lui-même une variante du système d'Apocalypse World (de Vincent Baker, édité un temps en Français par feu la Boîte à Heuhh). Les jeux propulsés par l'apocalypse sont légions (si je dois en citer un seul: World Wide Wrestling de Nathan Paoletta), ma démarche n'est donc pas très originale, mais je m'en remettrai.

Le système de l'Apocalypse est assez raccord avec celui de Magistrats et Manigances, dans le sens où le jeu se concentre sur un petit nombre d'actions importantes (moves dans AW, procédures dans M&M, enfantillages dans Libreté, rites dans Nephiloth) qui sont représentatives du type de fiction que l'on veut produire. On ne s'éparpille pas avec une centaine de compétences à tout faire. Un move se déclenche à l'unisson de la fiction. Si mon personnage en bouscule un autre ou tente de le truffer de plomb, le move "agresser" se déclenche. Inversement, je ne peux pas déclencher le move "agresser" sans le faire dans la fiction. Contrairement aux procédures de M&M qui permettent de résoudre une scène entière, les moves d'AW peuvent s'enchaîner dans une scène ce qui permet un retour salutaire à la fiction entre chaque lancé de dés.

Dans AW et la plupart de ses dérivés, on résout un move en lançant 2D6+caractéristique (de -3 à +3). Un total de 6 ou moins est un échec, de 7 à 9 une réussite partielle, de 10 ou plus une réussite totale. Lors d'un échec, c'est le MJ qui narre ce qui se passe. Lors d'une réussite la narration est partagée mais contrainte par des choix dans une liste.

Libreté apporte quelques modifications importantes dans ce déroulé. D'abord, il n'y a pas de caractéristiques (comme dans M&M), et on ajoute au 2D6 des +1 et des -1 qui viennent des avantages/désavantages que l'action du personnage subit dans la fiction. Ça force à bien décrire ses actions pour obtenir des avantages ou contourner de possibles désavantages. C'est exactement ce qui manquait à M&M. Libreté va là plus loin que AW dont le bonus au dés vient de la feuille de perso (un "accessoire" dans la terminologie de cet article). Dans Libreté le bonus vient de la fiction.

Une autre modification évidente est qu'on a un échec à 7 ou moins, une réussite parfaite entre 8 et 10, et une réussite excessive à 11 et plus. En cas de réussite, le joueur choisit une réussite possible dans une liste, et si elle est excessive le MJ choisit un débordement possible dans une liste. Trop bien réussir est sanctionné car ça dérange le statu quo. Je trouve ça très cohérent avec l'univers occulte de Nephiloth où l'excès sera vite repéré par les autorités profanes ou d'autres acteurs occultes mal intentionnés.

De plus, Libreté introduit une monnaie d'échange sous forme de jetons, la bile noire, qui est tout à fait compatible avec les points de Ren de M&M ou les points de Ka de Nephiloth. Le joueur peut miser autant de jetons de bile noire qu'il veut avant de jeter les dés. Une fois les dés jets, on ajoute au jet +1 par jetons misés. Comme la réussite excessive est sanctionnée, il y a donc un choix stratégique à faire : faut-il mettre plus de jetons pour être sûr de gagner, ou moins pour éviter absolument la réussite excessive ? Encore une fois, c'est un mécanisme qui se justifie bien dans l'univers de Nephiloth.

La traduction des rites existants dans ce nouveau système est relativement aisée. Parfois, il suffit seulement de prendre les trois premiers traits pour décrire les réussite possible et les trois derniers pour décrire les débordements possibles en cas de réussite excessive. Assez souvent, j'ai dû tout de même restreindre la portée des réussite pour ne pas résoudre toute la scène d'un coup. J'ai dû aussi réorienter les débordements pour éviter qu'un choix de débordement vienne annuler le choix de réussite.

Par exemple, le rite d'Ithaque donne
Lorsque une initiée doit agir avec discrétion, s’infiltrer, espionner, que ce soit face à des initiés ou des profanes, telle Ulysse changé en mendiant par Athéna afin de pouvoir pénétrer dans sa propre demeure occupée par ses ennemis, une initiée utilise le rite d'Ithaque.
Réussites possibles :
S'empare de quelque chose d'important
Perçoit sans être perçue
S'infiltre malgré la surveillance
Débordements possibles :
S'aventure trop loin
Laisse des traces
Reste bloquée
Ce rite-là était relativement simple. C'est une action que je laisse volontiers le joueur décrire. Par contre les rites qui sont sensés apporter des informations occultes posent plus de questions de fond sur la conception. J'aborderai ces problèmes dans le billet suivant.

samedi 20 janvier 2018

Premier test : beaucoup de choses à changer

J'ai effectué un premier test de #NephilimNarrativoVegan avec deux joueurs (Félix et Maxime) qui n'avaient jamais joué à une édition classique de Nephilim. C'était un test court, et nous n'avons eu le temps que d'expliquer le monde, de créer les personnages et de commencer à défricher des informations profanes. Néanmoins, la partie a permis de faire apparaître plusieurs points encourageants et de gros problèmes de (mon implémentation du) système de jeu.

D'abord, ce qui marche : la création de personnage et le corpus. Croiser un métamorphe plein de couleur avec un arcane majeur bien identifié donne des personnages faciles à prendre en main. J'ai noté tout de même que je devais proposer des métamorphes symboliquement féminins et que les relations et objectifs à long termes sont soit mal soit pas gérés. Le concept de corpus hors roleplay à abonder et à utiliser dans l'enquête a beaucoup plus aux joueurs. Nous n'avons pas pu tester la dépense de points de Ka, donc je ne sais pas si les règles de gain de points de Ka par utilisation du corpus sont pertinentes.

J'ai fais commencer le jeu par la découverte d'un article de journal qui relatait une découverte archéologique. Les joueurs ont sauté sur l'article pour l'analyser et en tirer des symboles, incités par le gain de points de Ka. J'ai vite vu que dans ce cas là, quand la séance commence avec une aide de jeu intégrée au corpus, la réserve de Ka pouvait commencer à zéro sans problème. Je ne sais pas si c'est général. Les joueurs ont aimé alterner entre celui qui joue une scène et celui qui abonde au corpus en cherchant des infos sur internet. On a eu aussi un super exemple d'ultracohérence où un joueur repère dans le corpus un symbole que je n'avais pas identifié, et l’interprète grâce au dictionnaire des symboles d'une façon qui collait totalement avec un PNJ que j'avais prévu. Bref, le corpus, ça a bien marché.

Dans les défauts facilement corrigeables, j'ai oublié d'appliquer une technique assez basique en balançant l’accroche du scénario sans la lier à l'histoire et aux motivations des PJs. J'aurai pu le faire soit en imposant quelque chose lors de la création de perso, soit en déclenchant un Mnémos à la découverte de l'accroche. Il manque également une façon de générer et de gérer les buts à long terme des PJs.

Nous nous sommes aussi rendu compte que le rite de Rome était fortement redondant avec l'utilisation du corpus. A minima, ce rite doit être limité à une action sur le terrain.

En effet, il va falloir plus que retoucher les rites, car le système de résolution s'est vraiment cassé la figure. On a utilisé le rite d'Athènes (négociation), le rite de Rome (se mêler aux profanes) et l'effet Mnemos. A chaque fois les scènes n'ont généré aucun roleplay, aucune fiction intéressante. L'enquête a avancé à chaque fois, les joueurs ont eu des informations intéressantes, mais ce façon purement mécanique. Le défaut déjà identifié du système de Magistrats et Manigances était poussé à son paroxysme alors que je pensais avoir tout fait pour le corriger.

Entre le corpus qui est principalement hors personnage et les rites qui ne généraient pas de fiction, la séance s'est retrouvée avec assez peu de roleplay. C'est d'autant plus frustrant que les joueurs m'ont dit avoir leurs personnages bien en main, mais sans occasion pour le jouer.

Mon implémentation du système est la première à blâmer. Les traits à choisir sont trop riches, et ça a deux conséquences :
  1. Surcharge cognitive du MJ qui essaye de donner les bonnes infos en étant contraints par des traits trop touffus et parfois contradictoires. Du coup la description de la fiction passe à la trappe.
  2. La résolution donne finalement toutes les informations et on a plus besoin de jouer la scène.
J'avais choisi de centrer les différents rites sur des types de scène (infiltration, en bibliothèque, etc.) plutôt que sur des moments abstrait de l'enquête (quand on cherche une piste, quand on a une piste, quand on veut expliciter un indice). Ça rend les scènes particulièrement schématiques et semble desservir la fiction.
Mais je commence à penser qu'il y a vraiment un problème qui vient du système lui-même, puisqu'il se manifeste aussi dans M&M. Comme je disais dans un billet précédent, on peut passer sans problème de l'initiation à l'effet sans avoir recours à la fiction, donc la fiction saute. Vincent Baker avait tellement bien conceptualisé sur son blog ce problème assez général que j'en avais fait des traductions, sur un site aujourd'hui disparu. Du coup je les ai reposté ici, et .

Nous avons aussi remarqué que le système ne passe pas souvent la parole aux PJs. L'autorité narrative n'est pas partagée explicitement, et comme le MJ est chargé d'apporter les informations et indices dans les scènes, c'est souvent lui qui se retrouve à décrire. Mais comme il a déjà cette tâche très prenante, il décrit peu et mal. Et c'est de toute façon anormal dans un jeu de rôle que le MJ fasse tout à ce point. Est-ce que simplement dire que le MJ narre les traits choisis par le joueur alors que le joueur narre les traits choisis par le MJ équilibrerait les choses ? On a évoqué la possibilité d'alterner les scènes d'enquête avec des scènes d'ambiance décrite par les joueurs. Peut-être, mais le coeur du problème reste que les scènes d'enquêtes ne laissent rien à décrire aux PJs...et que de toute façon ce n'est pas intéressant mécaniquement de décrire.

J'avais commencé ce post pour faire un constat et trouver des solutions. Je n'ai pour l'instant que le constat.

vendredi 19 janvier 2018

Un IIEE avec des griffes

Troisième et dernière traduction condensée du blog de Vincent Baker. Ce post avait été publié sur un site depuis disparu et il m'aide bien à structurer ma pensée autour des problèmes du système de résolution de #NephilimNarrativoVegan.

IIEE

Glossaire de la Forge
Intention Initiation Exécution Effet
Comment les actions et les événements du monde imaginaire sont résolus en terme de
  1. annonce dans le monde réel
  2. ordre d'occurence imaginaire.
  3. Il s'agit d'une fonctionnalité nécessaire du système, habituellement représenté par plusieurs techniques et beaucoup d'ephémère.
Ma reformulation personnelle de IIEE
Ce que vous devez établir dans la fiction avant de lancer les dés, et ce que vous devez laisser non établi jusqu'au lancement de dés.
En d'autres termes, qu'est ce que j'ai besoin de savoir dans la fiction avant d'être capable de jeter mes dés ? Qu'est-ce que je dois laisser à la décision des dés ?
Ca vous rappel quelque chose ? C'est ce dont nous parlons depuis le début de cet article. Causes fictives ou effets fictifs.

Fainéantise vs un IIEE qui a des griffes

Un mécanisme de résolution sur le pouce :
  1. On dit ce que nos personnages veulent accomplir. Par exemple Mon personnage cherche à s'enfuir. Mon personnage essaye de tirer sur le tien.
  2. On jette les dés ou on tire des cartes l'un contre l'autre pour savoir qui parvient à faire quoi. Par exemple Oh non, mon personnage ne parvient pas à s'enfuir. Hourra, je t'ai touché !
Que doit-on établir avant de jeter les dés ?
Ce que nos personnages veulent faire.
Que doit-on laisser aux dés ?
Si nos personnages réussissent à accomplir leurs intentions.
Ce que les règles ne vous demandent jamais, au grand jamais, de dire ?
Les détails des actions de nos personnages. C'est comme si nos personnages étaient sur le point d'agir puis brusquement mon personnage est bloqué dans la pièce et s'est fait tirer dessus par le tient. On n'a pas vu mon personnage lutter pour ouvrir la fenêtre ni ton personnage dégainer son revolver.
Bien sur, on peut dire ce que nos personnages font. Peut-être que dans la façon dont fonctionnent les dés ou les cartes, il y a un espace ou il nous est possible de faire une pause pour le dire. Peut-être même qu'il est noté dans les règles Dites toujours ce que votre personnage fait. Peut-être est-ce même précisé explicitement sans exception, n'oubliez pas de le faire ou je me fâche.
Néanmoins rien ne nous oblige à le faire. Et si nous ne le faisons pas, le jeu peut se débrouiller sans. Jouons sans se fatiguer et l'histoire est comme un livre lu trop vite.
Au contraire dans Dogs in the Vineyard, si vous ne décrivez pas en détail ce que fait votre personnage, le joueur en face va vous poser des questions et attendre patiemment vos réponses car il a besoin de savoir. Il ne peut pas décider quoi faire avec ses dés tant qu'il ne sait pas. L'IIEE de Dogs in the Vineyard a des griffes, il vous oblige à l'appliquer.
In a Wicked Age a un problème similaire au premier exemple. Peut-être même un problème pire. Les règles disent Dites ce que votre personnage fait. Est-ce que le personnage de quelqu'un d'autre tente de vous en empêcher ? Si oui, jetez les dés. C'est ce que disent les règles. Mais si vous ne faites que déclarer les intentions de votre personnage et qu'un autre joueur déclare que son personnage espère l'arrêter, et que vous lanciez les dés à ce moment là ; le jeu continue sans sourciller, sans se rendre compte que vous avez mal joué. Et plus tard, subitement, le jeu va se retrouver bloqué dans une position inconfortable sans qu'on sache trop pourquoi. Si vous jouez à In a Wicked Age sans vous fatiguer, le jeu ne vous corrigera pas. Mais à la place de l'effet lecture trop rapide vous aurez une descente en flamme.
Alors maintenant, si vous être là pour concevoir un jeu, réfléchissez bien. La plupart des joueurs sont des fainéants. Leur dire de faire quelque chose et concevoir une mécanique qui les force à le faire ce n'est pas la même chose. Demander n'est pas obliger à faire. X pourcents de vos joueurs vont venir vous voir pour dire
En fait, on a pas vraiment vu l'intérêt de faire ça donc on ne s'est pas embêté. D'ailleurs - ça n'a aucun rapport - le jeu n'était pas si amusant que ça.
Et là vous vous frappez le front. Vous voulez vraiment dépendre de la discipline de vos joueurs, de leur volonté et de leur habileté à faire ce que vous leur demandez ? Est-ce que des joueurs fainéants joueront comme il faut, par ce que l'IIEE les y forcera, ou vont-ils mal jouer car le jeu ne les corrige pas ?
A tous les coups, les gens qui vont jouer à votre jeu vont arriver avec un passif d'habitudes venant d'autres jeux. Si leurs habitudes correspondent à votre conception, tant mieux. Mais dans le cas contraire le jeu ne va pas corriger leur trajectoire. Ils vont mal jouer sans même s'en rendre compte. Comment va se comporter votre jeu en de telles circonstances ? Ca ne vous dérange pas ?
Reprenons Dogs in the Vineyard : tout le monde ne l'apprécie pas (Pff) mais la plupart des joueurs qui y ont joué l'on fait correctement, car on y est forcé. Donc s'ils ne l'aiment pas, tant pis, c'est pour une bonne raison. Je ne crois pas que In a Wicked Age soit dans ce cas.
Vous pouvez vous en prendre aux joueurs, à leur fainéantise et à leurs mauvaises habitudes. Vous pouvez vous en prendre au texte qui n'aura pas été assez clair ou qui n'aura pas assez insisté. (Comme si un texte pouvais vaincre la fainéantise et les mauvaise habitudes !) Moi, je m'en prend à la conception et je lui reproche de ne pas forcer les joueurs à bien faire.
De tout façon, vous êtes le concepteur. Peut-être que vous n'en avez rien à faire, peut-être pas. C'est votre choix. (A vrai dire, peut-être que moi-même les défaut de In a Wicked Age ne m'empêchent pas de dormir.) Mais je pointe le problème car d'expérience se frapper le front quand les gens ne jouent pas de la façon que vous leur avez dit de faire, ça fait mal à la tête. Pour éviter la migraine, donnez des griffes à votre IIEE.

Les griffes de Dogs in the Vineyard

Dans Dogs, le conflit progresse par défis successifs. Lorsque le personnage A met le personnage B au défit, B a le choix entre
encaisser
il reçoit les retombées mais économise ses forces
parer
pas de retombées, utilisation normale des ressources
surenchérir
pas de retombées et utilisation maximum de des ressources avec contre-attaque immédiate

Nature des retombées

Les retombées (dégâts ou progression du perso sur un 1) sont déterminés en fonction de la nature fictive du défit. Si le personnage est touché non physiquement, les retombées potentiels sont en D4 (grande probabilité de progression et dégâts faibles), touché physiquement mais pas par une arme D6, touché par une arme mais pas par une balle D8, touché par une balle D10 (faible probabilité de progression et dégâts important allant possiblement jusqu'à la mort du perso).
A
Je te met au défit !
B
Bon, j'ai pas des masses de ressources, je vais peut-être prendre les retombées pour m'économiser pour la suite...heu au fait c'est quoi ton attaque ?
A
Je te colle mon fligue entre les deux yeux et j'appuie sur la détente
B
Oula ! Ca c'est des retombées en d10, pas moyens que je me prenne ca dans les dents. Je pare.
Comme B en a besoin pour continuer, A est oblige de décrire précisément ce qu'il fait.
Dans l'autre sens, ça marche aussi.
A
Je te met au défit !
B
On est en plein duel au pistolet, j'ai pas envie de me prendre des retombées mais...heu au fait c'est quoi ton attaque ?
A
Je te traite de poule mouillée devant ta fiancée.
B
Dur. Mais c'est des retombées en d4, donc je peux me le permettre. Autant que j'économise mes ressources pour la suite du duel.
Le conflit en général avait escaladé jusqu'aux armes à feu, pourtant ce défit en particulier est verbal et c'est ça qui détermine les retombées. Donc le détail de chaque action compte et non la seule globalité du combat.

Contrôle de la narration

Un second mécanisme vient de la reprise en main de la narration. Si B prend le coup, la description de A est totalement valide. Si B pare, il arrête la narration de A entre la description des intentions et leur exécution.
A
Je te met au défit. Physique mais pas de combat.
B
Retombées en D6, ça se tente ... heu, tu fais quoi en fait ?
A
Je saute par la fenêtre et je cours aux écuries.
B
Là où tu as laissé ton flingue 3d10 ?!? Pas question ! J'utilise mes ressources pour parer en t'empêchant d'aller à la fenêtre.
Encore une fois B force A à narrer correctement.

Escalade

Si je veux des dés en plus, je dois les justifier par la fiction, par exemple en escaladant, en faisant apparaître en jeu un trait ou une possession de mon personnage. Si je ne justifie pas, ou pas de façon convaincante, les autres joueurs vont râler.
Ce mécanisme est en 3e position c'est celui qui est le moins important. Lorsque A décris lui-même les circonstances qui lui font gagner des ressources, B peut en effet hausser les épaules face à une justification bancale de A et continuer à jouer comme si de rien était. La qualité de la description de A affecte surtout la qualité de la fiction mais pas vraiment la stratégie de B.
B
Je lève mon flingue à la auteur de tes yeux et je te truffe la cervelle de plomb.
A
Je pare et j'ajoute 2d8 à mes ressources
B
pourquoi ?
A
Par ce que j'ai vif comme l'éclair 2d8 sur ma fiche. Je m'écarte sur le côté au dernier moment.
B
ok, ça se tient.
Ca marche beaucoup mieux, quand la description de A pourrait permettre à B de gagner des ressources.
A
Je t'empêche de t'enfuir par la fenêtre !
B
Heu, dis moi comment tu t'y prends ? Tu te met entre moi et la fenêtre ?
A
Oui, je fais barrage de mon corps.
B
Ca tombe bien, j'ai rentre dedans 2d8 sur ma fiche. Je lance donc 2d8 de plus et je surenchéris pour te pousser d'un coup d'épaule par la fenêtre.
Mais A peut aussi éventer la manœuvre.
A
je t'empêche de t'enfuir par la fenêtre !
B
hey, dis moi comment tu t'y prends ? Tu te met entre moi et la fenêtre ?
A
heu...non, je te fais un croque en jambe quand tu te précipite vers elle.
B
ok, tant pis. Bon, je prend le coup et je m'étale par terre. Mais je sors mon flingue dans ma chute et ...
Ici aussi, B a besoin de savoir précisément ce que A fait pour être capable de prendre les décisions stratégiques appropriées. B va donc naturellement forcer A à donner des détails fictifs.

Nécessaire fiction

Ce post est une traduction résumée de plusieurs posts du blog de Vincent Baker. Ce post avait été publié sur un site depuis disparu et il m'aide bien à structurer ma pensée autour des problèmes du système de résolution de #NephilimNarrativoVegan.

Symétrie

Pour plus de clarté, je réintroduis explicitement les joueurs dans ce paragraphe.
Disons que je me prépare à jouer à Ars Magica. Je me tape la création de personnage sans enthousiasme pour remplir une fiche de personnage élaborée : entre 2 et 4 pages couvertes de nombres et de jargon. Mon personnage Créo est 6 (ce qu'il veut dire qu'il coûte 21 points), son Herbalisme est de 3 (coûte 6), il a Regard Perçant et Magie Cyclique (-3 en hiver, +3 en été), il a une épée courte d'archer, une armure de 3...
Des pages et des pages de ce genre de trucs. Et comme il s'agit d'un jeu d'Ars Magica type troupe, je me tape ainsi la créartion de 3 ou 4 personnages avant de commencer.
Me voilà maintenant en compagnie de mon groupe de jeu (Meg et Emily) et nous jouons. Il se trouve que notre jeu tourne autour des relations personnelles entre nos différents personnages, leurs ambitions, leurs traitrises et leurs histoires sentimentales ; et des relations politiques entre le groupe de nos personnages et d'autres groupes.
On peut jouer autrement à Ars Magica, mais là je parle de mon groupe de jeu.
Combien de fois au cours du jeu allons nous faire attention aux faits que Créo soit 6 avec 3 d'herboristerie et 3 d'armure ? Approximativement aucune. Mais je suis un tyran par nature donc pendant très longtemps je vais tenter de m'assurer que les fiches des personnages de chacun sont exempte de triche et à jour. Je demande des PX au cas où et j'augmente l'armure de mon personnage sans trop savoir pourquoi.
Quand nous jetons un dé nous évaluons le résultat à la louche (si le tirage donne un gros chiffre ça marche, s'il est petit ça foire), bien que j'insiste pour que nous fassions l'effort de sortir les fiches de perso du tiroir et fassions semblant de prêter attention à leur contenu.
Je tient les fiches de personnage comme un registre de ce qui se passe en jeu, mais elles ne contribuent pas significativement au jeu.
Plus tard, je laisse tomber les fiches officielles d'Ars Magica. Ça me prend un temps fort long et pire, je persiste tout de même un bon moment en voulant les remplacer par quelque chose d'autre. Et si nous créions nos personnages dans le système de Pendragon, alors nous utiliserions sûrement les fiches. En vérité, nous n'avons réellement besoin, pour chaque personnage, que de la quantité d'information contenue sur un post-it. Et pour le dé, la méthode du haut->bon vs bas->mauvais nous suffit. C'est ainsi que notre jeu fonctionne.
Feuille de perso ? Mécanique ? Jets de dé complexe ? Qui en a besoin.
On joue à un jeu fantastique ! On jette les dés une fois par session au plus. On laisse les fiches de perso dans leur classeur. Le roleplay est génial ! Ce type de jeu très très commun est le résultat de fiches de perso, de mécanique et de règles qui ne contribuent en rien au jeu, et donc disparaissent.
Encore une fois, Ars Magica ou tout autre jeu donné n'ont pas à finir ainsi. C'est quand les règles d'Ars Magica ne contribuent en rien au jeu du groupe qu'Ars Magica fini ainsi.
Symétrie ! Voici une citation de Frank Tarcikowski extraite d'une discussion sur les forum de la Forge (j'ai souligné le passage qui me semble important).
[...] Je dis que tout le monde devrait s'investir dans le monde imaginaire commun, dans la Situation, d'instant en instant. Qui est là, que se passe-t-il, qu'est-ce qu'on voit, qu'est-ce qu'on entend, qu'est-ce qu'on ressent ? Dans mon expérience personnelle, si vous avez un système de jeu qui tourne tout seul sans avoir besoin de vous investir dans le monde imaginaire commun, les participants ont tendance à précipiter l'histoire et leur image de ce qui se passe dans le jeu devient floue. De tels jeux ont l'air intéressant quand on les lit, mais quand j'y joue j'ai l'impression de lire un bon livre trop vite.
C'est comme lire un bon livre beaucoup trop vite
Vous aurez compris que je suis d'accord avec le diagnostique de Frank:
Les règles du jeu ne font pas référence à la fiction, elles tournent parfaitement bien sans que les joueurs s'investissent dans le monde imaginaire commun.
Si les détails de la fiction de votre jeu ne contribuent pas significativement à votre jeu, alors même si vous êtes un tyran vous allez finir par laisser tomber ces détails. Où est placé votre personnage ? Que fait-il de ses mains ? De quelle façon ses yeux parcourent-ils le mur de pierre quand il s'en approche ? Est-ce que des nuages cachent le soleil ou est-ce que sa lumière vous éboulis ? Ces choses deviennent comme les fiches de personnage qui restent dans leur classeur.
Retournez donc à l'exemple ci-dessus concernant In a Wicked Age : la seule flèche partant de la fiction est l'initiation du conflit. Après, tout part des accessoires. J'ai un problème avec la conception de mon jeu.

Juger la fiction

Le cercle à la base de la flèche, c'est un moment de jugement. Quelqu'un doit lire la fiction pour en tirer des conséquences.
Frère Benjamin pose sa main sur celle de Sœur Coral. Est-ce que ça compte comme une escalade ? Sœur Coral est bouleversée par ce contact et retire sa main. Le joueur a pris le coup, mais est-ce que cela compte comme un coup physique ou comme un coup social ?
Bobnar est posté sur une souche quand le troll attaque. Est-ce que ça compte comme une position surélevée ?
Ned McCubbins quitte son abri et traverse la plage en courant comme s'il avait le diable aux fesses, sous le nez d'un bateau rempli des soldats de Sa Majesté. Est-ce que ça compte comme se mettre en danger ?

Plusieurs types de jugement

Inventorions donc ce que recouvre ce terme de moment de jugement.
Exemples de règles qui se réfèrent matériellement à la fiction du jeu
  • La première fois que votre personnage tire sur quelqu'un avec une arme a feu, vous avez escaladé vers le combat avec armes à feu.
  • Si la copine de votre personnage est en danger, vous avez +3 à votre jet.
  • Si votre personnage a été en présence du Roi Loup aujourd'hui, les ennemis de votre personnage s'inclinent devant elle.
Il y a besoin d'un jugement, d'une interprétation, pour savoir si la règle s'applique
  • Ouai ! C'est ça. Je le truffe de plomb. Est-ce que votre personnage tire sur quelqu'un avec une arme à feu ?
  • Tu entends crier la voix de Melissa à la radio. Est-ce que la copine de votre personnage est en danger ?
  • Je chevauche vers mes ennemis dès que je quitte la cour du Roi Loup. Est-ce que votre personnage a été en présence du Roi Loup aujourd'hui ?
Peut-être que le MJ devrait juger ?
  • Je le truffe de plomb. MJ, est-ce que je tire sur quelqu'un avec une arme à feu ?
  • MJ
    Tu entends crier la voix de Melissa à la radio.
    PJ
    Ça veut dire que la copine de mon personnage est en danger ?
  • Je chevauche vers mes ennemis dès que je quitte la cour du Roi Loup. MJ, est-ce que mon personnage a été en présence du Roi Loup aujourd'hui ?
Vous voyez qu'une règle se référant matériellement à la fiction du jeu n'a pas forcément besoin d'un MJ pour avoir le dernier mot, ni même que le jeu possède un MJ.
Par exemple, remarquez à quel point cette phrase est stupide : Je le truffe de plomb. MJ, est-ce que je tire sur quelqu'un avec une arme à feu ?. Personne n'a besoin de demander une telle confirmation au MJ. Tout groupe est parfaitement capable d'interpréter Je le truffe de plomb comme signifiant tirer sur quelqu'un avec une arme à feu. Pas besoin de MJ ni même de juge spécialisé.

Le problème du jugement biaisé

Jonathan Walton
Il me semble qu'en pratique [un moment de jugement] peut s'avérer dangereux, en particulier quand les joueurs sont fortement investis dans la victoire de l'un ou l'autre des personnages... Car s'il y a un avantage mécanique qui peut être gagné en faisant des déclarations qui n'ont pas de coût mécanique, des joueurs motivés vont tout faire pour en bénéficier le plus souvent possible.
C'est vrai bien sur. Appelons ceci le problème du jugement biaisé
Matérialiser le jugement
Ce qu'il y a de pratique avec les règles du type accessoires->fiction ou accessoire->accessoire, c'est que personne n'a besoin de lire quoi que ce soit, ou bien que cette lecture est triviale. Voila une méthode pour venir à bout du problème du jugement biaisé : matérialisez-le. Créez un accessoire, créez quelque chose d'indéniable ou de trivial à lire. Associez un avantage mécanique avec un risque mécanique ou un coût mécanique.
Beaucoup de jeux issus de la Forge utilisent cette méthode. Ton personnage est en position haute pendant un combat. Est-ce un avantage ? Si tu payes oui, sinon non. Et lorsque c'est l'ennemi qui est en hauteur ? Pareil, s'il paye pour avoir l'avantage alors c'est avantageux, sinon non. Avoir une position haute ne vous donne pas d'avantage (un jugement de la fiction, forcément subjectif, serait nécessaire), mais l'occasion de payer pour avoir un avantage.
C'est une solution parmi d'autres et elle ne convient pas à tous les jeux. Son gros défaut est de supprimer les flèches partant de la fiction, donc l'investissement dans la fiction n'est plus nécessaire et risque de s'effacer du jeu. (voir ci-dessus)
Trouver le bon juge
Une autre solution, tout aussi bonne mais tout aussi peu universelle : donner le moment de jugement à un participant qui est fortement motivé pour que le jugement soit correct et non motivé par l'avantage récolté par l'un ou l'autre.
Cette solution est fortement recommandable quand elle s'applique. Elle répond au problème de l'absence de flèches partant de la fiction. Mais il faut concevoir le jeu de façon à avoir les bonnes motivations pour la personne faisant le jugement.
Je suis certain qu'il existe d'autres solutions au problème du jugement biaisé, pas seulement ces deux là.

Dé et nuage

Je me permet de poster ici une traduction résumée de plusieurs posts du blog de Vincent Baker. Ce post avait été publié sur un site depuis disparu et il m'aide bien à structurer ma pensée autour des problèmes du système de résolution de #NephilimNarrativoVegan.

Des schémas de règles

Définitions et notations

Dans toute la suite, l'heptagone représente la fiction au sein du jeu. La boîte représente ce qui appartient au monde réel. Si vous pouvez le pointer du doigt sur la table, le prendre dans la main et le passer à quelqu'un, l'effacer de la fiche de personnage, alors ça fait partie du cube, des accessoires. Si vous ne pouvez pas faire de telles choses, si ça n'existe que dans votre imagination et dans la conversation alors ça fait partie de la fiction.
D'après le principe de Lumpley, on peut représenter l'action des règles ainsi :


Si on se souvient bien que toute règle passe par les joueurs pour être appliquée, on peut simplifier le schéma ainsi :


Chaque règle élémentaire du jeu peut alors être représentée par une et une seule flèche. S'il vous faut plus d'une flèche, c'est qu'il s'agit de plusieurs règles couplées entre elles, et non d'une règle élémentaire.

Exemples de systèmes de jeu

Classique
Il s'agit d'un jeu quelconque auquel vous auriez pu jouer en 1990
  1.  
    PJ 1
    Je prends position sur la crête de la colline.
    MJ
    Ok
    PJ 1
    Quand il est a portée je l'attaque !

  2. Quand ton personnage attaque le mien, jette un dé.
  3. Et si ton personnage est en hauteur par rapport à sa cible, ajoute 2 à ton jet.
  4. Si ton résultat est de 10 ou plus, ton personnage touche le mien.
  5. Et les points de vie de ma fiche de personnage diminuent de 2d6.
  6. Et si la perte de PV est supérieure à 8, mon personnage est mis KO.
Dogs in the Vineyard
NdT
Dans Dogs in the Vineyard, les personnages sont définis par 4 caractéristiques chiffrées en D6, par des traits et des possessions chiffrés en D4, D6, D8 et D10. Par exemple un gros pistolet de qualité normale sera chiffré à 1D10+1D4. Une relation conflictuelle et compliquée à 3D4.
Un conflit peut visiter un ou plusieurs des 4 domaines suivants :
  • parole
  • physique sans combat
  • combat sans flingue
  • combat avec flingue
Passer d'un domaine à un autre s'appelle escalader.
Un conflit se résout par annonce et réponse successives (raise and see) un peu comme au poker
  1. Quand il y a un conflit entre ton personnage et le mien, on décide quel est l'enjeu, on nomme le domaine initial et nous lançons les dés des statistiques correspondantes.
  2. Quand c'est ton tour de monter, pousse deux dés devant toi et annonce ce que fait ton personnage. (2 règles simultanées)
  3. Si l'annonce précédente fait entrer dans le conflit des possessions ou des traits, tu lances les dés correspondants.
  4. Si l'annonce précédente était une escalade (le conflit est porté dans un nouveau domaine) tu lances les dés correspondants aux caractéristiques du nouveau domaine.
  5. Afin de voir ton annonce, je met en avant des dés pour une somme supérieure à ton annonce et je dis ce que mon personnage fait en réponse. Le nombre de dés utilisés contraint ce que j'ai le droit de décrire (2 règles simultanées).
  6. Si ma réponse fait entrer dans le conflit des possessions ou des traits, je lance les dés correspondants.
  7. Si je prend un coup, mon personnage ne sortira pas indemne du conflit. Il subit des retombées modélisée par des dés dont la grosseur dépend de la nature du coup que tu m'a porté lors de ton annonce. (non physique D4, touché physiquement mais pas par une arme D6, touché par une arme mais pas par une balle D8, touché par une balle D10)
  8. A la fin du conflit, celui qui ne peut plus monter perd, l'autre décide ce qu'il advient de l'enjeu du conflit.
In a Wicked Age
  1. Quand mon personnage essaye de bloquer le tient, on lance les dés de forme appropriée.
  2. Le jet le plus haut représente l'initiative du joueur
  3. Lorsque ton tour vient, dit ce que ton personnage fait.
  4. Si tu dois répondre, relance
  5. ... et dit ce que ton personnage fait.
  6. Quelqu'un obtient l'avantage
  7. Si besoin est on négocie les conséquences, soit fictives soit mécaniques soit les deux.

Domaine d'application

Je me représente une règle comme une ligne tracée dans la terre avec un bâton. Ce que font réellement les gens c'est là où l'eau coule réellement.
  • Parfois l'eau va couler sur le tracé par ce que vous l'avez tracé.
  • Parfois l'eau va couler sur le tracé, mais aurait de toute façon coulé là, même sans votre ligne.
  • Parfois l'eau va couler n'importe où.
  • Parfois (et c'est là où mon analogie se casse la figure) l'eau va réagir perversement à votre ligne, rebondir contre elle, tester ses limites ou s'en éloigner par pur esprit de contradiction.
Ceci étant dit, j'ouvre aléatoirement un livre de règles. Ici HoL : Human Occupied Landfill, page 36 et je trouve les deux règles suivantes :
Si lors d'une aparté spirituelle accompagnant (comme le bon goût l'exige) le dépeçage de vos ennemis, le HoLmestre et les autres joueurs sont particulièrement amusés (qui sait, au point de souiller leurs dessous ?) par l'un de vos trait d'esprit (=blague) le HM peut (si vous le suppliez à genoux) vous octroyer en pâture un bonus pour votre prochain tour. Si le HM ne parvient pas à vous adresser une bonne répartie, il doit ajouter 1 à la réserve de Bonté divine du groupe.
Je peux représenter ces deux règles avec mes petits diagrammes si je veux. Dans les termes simplifiés que demandent mes diagrammes, elles sont claires :
  1. Si vous faites un trait d'esprit lors d'un combat, le HM peut vous donner un bonus.
  2. ... et si le personnage du HM n'est pas capable de répartie, le HM doit donner au groupe 1 BD.
Si vous voulez parler plus en détail de ces règles, par exemple pour distinguer un bonus d'un point de BD, ou entre le HM peut et le HM doit, ou entre trait d'esprit et blague foireuse, alors mes petits schémas ne peuvent vous aider. Les règles d'un jeu ne sont pas aussi simples que mes petits diagrammes.
Et si vous voulez parler de ce que les personnes font réellement, c'est à dire à quel endroit l'eau coule en vrai et non la ligne tracée dans la terre, alors mes petits diagramme ne vous aideront pas non plus. Ce que les gens font n'est pas aussi simple que mes petits diagrammes, ni aussi simple que les règles d'un jeu.
Néanmoins, si vous voulez distinguer les règles qui se rapportent à des éléments de fiction des règles qui se rapportent à des accessoires du monde réel, je pense que mes diagrammes tiennent la route.
Je sens un certain danger, qui se profile déjà, à ce que des gens appliquent mes diagrammes n'importe comment et en concluent qu'ils sont objectivement incorrects. J'espère que le présent paragraphe aidera à tenir ce danger à l'écart au moins un peu.

dimanche 14 janvier 2018

Sciences occultes, progression initiatique et expérience à long terme

Je bute sur un problème de conception relatif aux sciences occultes. C'est un problème qui touche au temps long du jeu, la campagne plus que la partie. Et ça fait 12 ans que je n'ai pas joué en campagne et que je me concentre sur le one-shot. Du coup je suis tout rouillé. Je me demande même si j'ai envie d'un tel temps long dans #NephilimNarrativoVegan, tout en me rappelant que Nephilim est le jeu où j'ai mené le plus de campagnes et que j'en garde de très bons souvenirs.

Les éditions classiques de Nephilim ont des magies construites à base de sorts (sortilèges, invocations ou formules), récupérés sous forme de focus (grimoire ou autres) et que le Nephilim inscrit petit à petit dans son pentacle (apprentissage). La progression de chaque science occulte est organisée en trois cercles : le premier cercle commun à tous, le second cercle qui permet de choisir une voie défrichée par d'autres et un troisième cercle qui permet enfin d'être créatif. En effet, c'est seulement au troisième cercle que l’adepte de science occulte est capable d'inventer ses propres sorts. Capable en théorie, car chaque création de sort est un travail de longue haleine.

En pratique, un Nephilim est donc toujours intéressé par des sorts découverts par d'autres Nephilim plus avancés que lui. C'est même une partie essentielle de sa progression vers la maîtrise des sciences occultes et donc vers l'Agatha. Et un ressort intéressant pour motiver un PJ à partir à l'aventure : il va comprendre des secrets de sa science occulte et apprendre de nouveaux sorts. Tout ce cadre est cohérent avec la proposition du jeu Nephilim : la quête de sapience.

Dans la seconde édition de Nephilim, la création de personnage permettait assez facilement d'atteindre le second cercle d'une science occulte et d'avoir touché à l'une ou aux deux autres. Mais on pouvait faire des choix qui se révélaient sous-optimisés et n'être avancé dans aucune science occulte, ou d'être très savant mais de tellement manquer de puissance qu'on était incapable de lancer aucun des sorts qu'on connaissait. La troisième édition a rectifié le tir et a mis tous les PJs sur la même ligne de départ: le milieu du deuxième cercle de leur science occulte principale. C'est une position intéressante puisque le PJs tout juste créé peut passer pour un adepte bien avancé dans sa spécialité aux yeux d'un profane ou d'un autre PJ qui a choisit une autre spécialité. Pourtant il lui reste encore un long chemin à parcourir, et il sera intéressant de le parcourir en jeu.

Tout cela est très inspirant, très symbolique, très codifié, mais comment le reproduire en restant appuyé sur le système de Magistrats et Manigances ? En effet, M&M n'offre que peu de possibilité pour la progression des assistants du magistrat : l'acquisition de nouvelles capacités spéciales. Un ou deux point d'avancement par affaire résolue, et au bout de six points d'avancement, achat d'une nouvelle capacité spéciale. Entre temps, le joueur sent tout de même son assistant progresser grâce aux nombreux contacts qu'il noue dans le district.

Pour permettre une progression à long terme, les capacités spéciales de sciences occultes doivent être plus nombreuses que le nombre de capacités spéciales offertes lors de la création (3), et possiblement chaînées.

Par exemple on peut imaginer que la capacité spéciale "Invocation" détermine une procédure général d'invocation, mais soit de base limitée à l'invocation des créatures les plus "faibles", les plus basses dans la hiérarchie angélique. Une autre capacité spéciale, dépendante d'invocation, permet d'invoquer des créatures un peu plus haut dans cette hiérarchie, et ainsi de suite sur 4 niveaux. Un joueur qui maximiserait en prenant 3 capacités spéciales en Kabbale aurait donc accès à trois niveaux de créatures sur 4, mais ne serait pas capable de passer un pacte, ni de voyager dans les mondes de Kabbale et n'aurait aucune capacité spéciale liée à son arcane majeur.

Un autre profil de Kabbaliste pourra dès la création invoquer les créatures les plus bas dans la hiérarchie, passer un pacte avec elles et voyager dans un des cinq mondes de Kabbale.

Une troisième possibilité serait une Kabbaliste dilettante, uniquement capable d'invoquer les créatures les plus faibles mais aurait aussi accès à des enchantements de bas niveau et à une capacité spéciale liée à son arcane.

Cette façon de structurer les capacités spéciales doit pouvoir se généraliser aux autres sciences occultes. La progression de la Nephila se fait alors à moyen terme par l'acquisition de nouvelles capacités spéciales (une toutes les 2 ou 3 séances ?). A plus court terme, la progression se fait sentir par l'apprentissage de nouveaux sorts.

Il faut donc:
  1. que certains rites de base permettent d'obtenir des focus
  2. que les sorts soient faciles à créer par les joueurs comme par le MJ. Car, soyons honnête, je ne suis pas un fan des listes de sort, ni à lire ni à écrire. Donc autant que la création de sorts se fasse autour de la table, en accord avec la fiction.
Il y a encore du boulot, c'est assez pour aujourd'hui.

lundi 8 janvier 2018

Capacités spéciales d'Arcanes & Bateleur

Je pense avoir trouvé la recette pour proposer des capacités spéciales d'arcane majeur intéressantes.

Dans Magistrats et Manigances les statuts ont souvent
  • une nouvelle procédure
  • un bonus à l'utilisation d'une procédure de base. Souvent, c'est "dépensez un point de Ren pour augmenter votre réussite", mais il y a plus subtil.
  • la possibilité de créer un contact pour un point de Ren
Pour les fiches d'arcane de #NephilimNarrativoVegan, il y en a 22, il faut une méthode en plus de l'inspiration. La procédure supplémentaire est sympathique. Par contre je n'aime pas trop l'augmentation de probabilité de réussite du rite de base. Ca ne donne pas beaucoup de personnalité à l'action. Je préfère proposer une façon différente d'utiliser le rite de base. Pour l'instant c'est en remplaçant un trait a priori négatif par un nouveau trait qui lui est positif. Pas besoin de dépenser un point de Ka pour ça. Enfin, je n'ai pas retenu la notion de contact, donc j'ai forcément quelque chose de plus, une action automatique mais qui coûte des points de Ka. Pour le Chariot c'était l'optimisation de son simulacre. Pour la Tempérence c'est la possibilité de se soigner soit-même. Pour la Roue de Fortune c'est des enchantements sensibles aux champs magiques.

Un deuxième exemple de fiche d'arcane complet avec le Bateleur

Arcane I : le Bateleur

Une adoptée du Bateleur cherchent à partager sa sapience avec les humains. Disciple de Prométhée, elle pense que ce rapprochement est le seul garant de la survie des Nephiloth dans un monde contrôlé par les arcanes mineurs.

Symboles

Le chapeau à larges bords, la baguette, le feu offert, la table, l’émeraude

Passé

Répondez à au moins trois questions de cette liste, ou voyez avec le MJ pour en inventer une autre.
  • Qui vous a pourchassé comme un traître depuis le néolithique ?
  • Qui vous a aidé à fonder une religion à l’aube de l’antiquité ?
  • Qui vous a sauvé lors de la conquête romaine ?
  • Avec quelle arcane mineur avez-vous collaboré pour établir un culte gnostique ?
  • Qui vous a dénoncé comme Cathare ?
  • Quel artiste romantique célèbre avez-vous initié ?

Choisissez trois Capacités spéciales (suite)

Révélation du voile dispersé

L’adoptée est capable de conférer temporairement la vision Ka à un humain en dépensant un point de Ka, deux pour que l’humain puisse passer en vision Ka quand il le souhaite dans la prochaine journée.

Conseils de Talaria

Quand l’adoptée initie un ou des humains, elle leur redonne leur libre arbitre face aux complots occultes. Elle peut alors profiter non seulement de leurs connaissances du terrain, mais aussi de leur capacité de réflexion et d’initiative. A la fin de cette scène le nouvel initié devient un acteur occulte à part entière avec lequel il faudra négocier via le rite d’Athènes.
  • L’humain fait le lien entre deux énigmes
  • L’humain écarte une fausse piste
  • L’humain embrasse les vues de l’adopté sur un acteur occulte et agira en conséquence.
  • L’humain doute de la franchise de l’adoptée et se méfiera d’elle.
  • L’initiation est traumatisante. L’humain subit une condition magique.
  • L’humain agira avec précipitation ; lui et l’adopté gagnent une condition profane.

Guide prométhéenne

L’adoptée est habituée à guider les initiés humains vers la Sapience. Tout en leur laissant leur libre arbitre, elle peut les guider vers la Sapience, en les aiguillant sur une voie plus respectueuse des Nephiloth.
Lorsque l’adoptée utilise le rite d'Athènes avec un initié ou une société secrète humaine, le trait “l'entretien est éprouvant ou éveille l'attention” est remplacé par
  • L’interlocuteur vous accepte comme guide spirituel. Tant que vous saurez le guider vers la Sapience il vous considérera avec respect et évitera de vous nuire.

dimanche 7 janvier 2018

Simulacre et Chariot deuxième prise

Les Nephiloth sont des être incarnés dans un corps humain. Ce corps, ce simulacre, leur est nécessaire pour se protéger de l'orichalque qui pollue les champs magiques. Toute Nephila aimerait pouvoir s'en passer, faire de nouveau un avec la magie du monde, mais c'est impossible. Certains prennent un plaisir vengeur à annihiler la conscience de l'humain dont ils ont volé le corps. D'autres veulent vivre en harmonie avec leur simulacre. D'autres le voient comme un outil. Beaucoup redoutent l'ombre, quand le simulacre reprend le contrôle et inverse pour quelques minutes ou quelques jours la relation de domination.

Le simulacre est un point tellement central de la condition Nephilim que je ne pouvais pas laisser ça de côté dans #NephilimNarrativoVegan. Par contre, la notion de simulacre était fortement sculptée par les systèmes de jeu simulationistes des éditions traditionnelles du jeu. Je me suis posé beaucoup de questions mal posées sur comment gérer le vol de compétences du simulacre par le Nephilim ... quand mon jeu n'avait pas de notion de compétence.

Voilà une première ébauche de fiche de simulacre qui j'espère évite ces écueils. J'utilise la notion de rites urbains, qui sont les cinq actions que tout initié peut réaliser. Les cinq procédures de bases pour résoudre les énigmes ésotériques :
  • le rite de Rome pour desceller l'occulte sous les apparences profanes, 
  • le rite de Troie pour tirer partie d'un affrontement, 
  • le rite d'Athènes pour négocier avec un acteur occulte, 
  • le rite d'Alexandrie pour naviguer dans un fond documentaire, 
  • le rite d'Ithaque pour espionner ou infiltrer.

Fiche de Simulacre

Nom
Prénom
Age
Profession
Apparence
Spécialité :

Choisissez l’un des rites urbains qui correspond le mieux à la profession ou aux occupations de votre simulacre. La plupart des simulacres sont spécialisés dans le rite de Rome, mais une militaire sera spécialisée dans le rite de Troie, un diplomate dans le rite d’Athènes, une géographe dans le rite d’Alexandrie, un paparazzi dans le rite d’Ithaque.
Lorsque vous utilisez le rite urbain dont votre simulacre est spécialiste, vous pouvez changer un impaire en paire pour un point de Ka. De plus, le trait supplémentaire suivant est disponible:
  • Votre simulacre reprend temporairement le contrôle. Vous passez en ombre à la fin de la scène. Le MJ décide de la situation où se trouve la Nephila à sa sortie d’ombre et de ce que le simulacre a fait entre temps.

samedi 6 janvier 2018

Symboles, énigmes, clefs, révélations

Magistrats et Manigances formalise partiellement l'enquête en distinguant au niveau du système ce qu'est une rumeur, une piste, un indice et une preuve. Ce que je trouve particulièrement intéressant, c'est que la formalisation n'est que partielle. Le jugement humain reste nécessaire et donc la progression de l'histoire n'est pas mécanique.

Il y a des procédures dédiées pour obtenir une rumeur ou une piste, ou bien transformer une piste en indice. C'est très précieux car ça permet de lancer ou relancer l'enquête par un jet de dé, que le joueur soit inspiré ou non. Le système aide donc.

Mais il n'y a aucune procédure pour transformer un indice en preuve. On peut juste demander à un témoin d'expliciter un indice, ce qui ne produit pas nécessairement une preuve. Le jugement humain est nécessaire. Parfois on a pas besoin d'une procédure pour passer de la rumeur à la piste, de la piste à l'indice. Par exemple rapprocher une rumeur et une piste produit une seconde piste. Toutes les possibilités ne sont pas prévues et encadrées par le système. Le système ne se met pas en travers de notre chemin.

Il est à noter que dans Data Police, un hack de M&M par Steve Jakoubovitch présenté au Game Chef 2016, le classement en rumeurs, pistes, indices et preuves est remplacé par deux qualificatifs de l'information : validée, invalidée ou non vérifiée ; recevable ou non. Une rumeur serait une information non vérifiée. Un indice obtenu sans respecter les droits des suspects serait une information validée mais non recevable. Ce classement d'apparence plus rigide correspond bien au thème du jeu, dans un futur proche informatisé et légaliste. Par contre les méthodes pour obtenir et transformer l'information restent ouvertes, comme dans M&M. Certaines méthodes de base sont proposées mais la liste n'est pas exhaustive. Pouvoir passer par la fiction pour modifier la situation est le propre du jeu de rôle. Sans cela on jouerait à un jeu de plateau ou un jeu vidéo.

Pour #NephilimNarrativoVegan on ne veut pas résoudre une affaire judiciaire dans un district bruissant de rumeurs diverses, mais découvrir un secret occulte au milieu de profanes ignorant les symboles ésotériques qui les entourent.

Même si les joueurs suivront des pistes, je préfère structurer le jeu autour de la notion d'énigme. Comme le magistrat et ses assistants se doivent d'enquêter sur des crimes et de répondre aux litiges qui leurs sont soumis, les Nephiloth cherchent à répondre aux énigmes ésotériques qu'ils rencontrent pour progresser vers l'Agartha. Le point de départ d'une histoire de Nephiloth doit être une énigme qui en cours de route va se ramifier ou faire surgir d'autres énigmes jusqu'à leurs résolutions. Introduire une nouvelle énigme est un moyen facile de relancer une histoire. Je propose cette possibilité dans le rite de Rome (équivalent de la procédure de battre le pavé), le rite d'Alexandrie (recherche en bibliothèque) mais aussi dans les rites de sciences occultes.

Le matériel de base de l'enquête, l'équivalent des rumeurs de M&M ce sont des symboles. C'est un type d'information peu fiable car interprétable de nombreuses façons. Les symboles sont partout dans notre monde profane, mais seuls les initiés peuvent dévoiler leur signification occulte. Je propose deux façon codifiées de repérer des symboles : le rite de Rome (équivalent de la procédure de battre le pavé) et l'exploitation du corpus documentaire par les joueurs. Les symboles peuvent facilement amener à identifier des acteurs occultes, des objets magiques ou des lieux chargés. Ca peut se faire en choisissant les bons traits dans les rites de Rome et d'Alexandrie, mais aussi en exploitant le corpus.

C'est ensuite en se renseignant plus avant sur les acteurs occultes, objets magiques ou lieux chargés qu'un initié peut obtenir une clef de l'énigme (équivalent d'un indice). Le rite d'Ithaque (espionner ou d'infiltrer) ou la Vision Ka permettent forcément d'obtenir une clef d'une énigme. Choisir le bon trait de l'effet Mnemos aussi. Mais bien sûr d'autres moyens sont possibles au bon jugement des participants. Une clef de l'énigme peut sûrement être obtenue par le rite de Troie (affrontement) ou le rite d'Athènes (négocier ou solliciter une connaissance) mais ce n'est qu'une possibilité implicite.

Et pour transformer une clef en révélation ? Pour décider ce qu'il faut en faire ? Ce n'est pas au système de décider mais aux joueurs en cohérence avec la fiction qui a été construite jusque là.

vendredi 5 janvier 2018

Intention, Initiation, Exécuction, Effet

On peut analyser les systèmes de résolution de jeu de rôle en considérant qu'une action se décompose chronologiquement en Intention, Initiation, Exécution et Effet. Les règles permettent de passer d'une phase à l'autre. Comment va-t-on de l'intention du personnage à l'initiation de l'action ? Comment va-t-on de l'initiation à l'exécution ? Comment l'exécution de l'action mène à un effet ?

Suivant ce qu'on veut obtenir, il faut passer plus ou moins de temps à chaque étape. Pour beaucoup de jeux, on passe sans réfléchir de l'intention à l'initiation, puis on détaille les deux étape suivantes : je le tape, donc je lance les dés pour voir si j'ai réussi, puis je relance des dès pour déterminer les dégâts.
Il y a eu toute une vague de jeux narratifs où il est possible de passer trop rapidement de l'initiation à l'effet. Je vais voir mon ami pour qu'il me réconforte, lancé de dés, je gagne un point de réconfort. Même si le texte du jeu nous dit de bien décrire la scène, on n'en a pas besoin. Donc l'histoire se déroule trop vite et de façon trop mécanique.

Le système de résolution de Magistrat et Manigances peut dangereusement s'approcher du cas précédent. "Je veux battre le pavé", lancé de dés, choix des traits, explication rapide des rumeurs trouvées et des conséquences. On peut jouer comme ça, et parfois c'est difficile de faire beaucoup mieux, mais le jeu devient alors particulièrement procédurier. De fait, les règles du jeu nous disent de choisir les traits au fur et à mesure du déroulement de la scène. Ça permet de vraiment jouer l'Exécution et de déterminer l'Effet de façon cohérente avec la fiction. C'est comme ça qu'il faudrait faire dans l'idéal, mais pourquoi est-ce que ce n'est pas toujours naturel ?

"Battre le pavé" donne forcément une rumeur. On pourrait donc commencer la scène par jouer les questions du PJs qui l'amènent à entendre cette rumeur. Sauf que l'un des traits est "la rumeur est clairement identifiable comme une piste". Si le PJs n'a pas déterminé à l'avance quel(s) trait(s) il choisit, la nature de la rumeur (simple rumeur ou piste) peut donc changer après que la rumeur ait été révélée en jeu. C'est cohérent avec une façon de mener les parties où les faits ne sont pas prédéterminés. En choisissant ce trait, le joueur à le pouvoir de décider que la rumeur est intéressante et mérite d'être creusée. Par contre, si les faits sont prédéterminés, soit le MJ n'annonce que des rumeurs avec un fond de vérité (donc le statu de piste ou non n'a plus d'intérêt), soit on accepte les fausses pistes qui peuvent considérablement retarder l'histoire.


Peut-être que ce qu'il faut faire finalement. Une fausse piste est déjà une piste sur laquelle les PJs pourront utiliser "inspecter" et de toute façon obtenir un indice. Autant la rumeur qui a démarré la piste était fausse, autant l'indice peut être solide. Je vais garder ça à l'esprit pour les prochaines séances et pour #NephilimNarrativoVegan.

jeudi 4 janvier 2018

Le système d'enquête et ses à côtés

Hier soir, j'ai maîtrisé ma deuxième partie de Magistrats et Manigances. On avait la nuit devant nous, donc j'ai pu mettre en place une partie plus longue, avec deux affaires entremêlées. Grâce à cette mise en pratique et aux retours de mes joueurs, j'ai compris encore beaucoup de chose sur le jeu qui vont servir pour #NephilimNarrativoVegan.

Déjà, en préparant la partie, j'avais envie de trouver un meurtre en chambre close à élucider, façon Agatha Christie. Et ça m'a étonné de ne pas trouver cette possibilité dans les affaires proposées dans le Casus Belli 21. J'ai donc pris les deux premières affaires, pour faire confiance aux créateurs du jeu. Et à la fin, mes joueur m'ont mis l'évidence sous les yeux : le jeu est cool pas seulement par ce qu'il y a une enquête, mais aussi par ce que trouver le coupable n'est pas tout, il faut gérer les implications politiques de l'affaire. Il ne suffit pas de trouver le responsable d'une rixe, il faut permettre à tous les groupes impliqués de garder la face. C'est pour cela qu'un meurtre en chambre close n'a pas vraiment sa place ici. Toute affaire reste connectée à la société, au district que gère le magistrat. Le magistrat est juge et partie et ça fait tout le sel du jeu.

Clairement, #NephilimNarrativoVegan n'aura pas cette dimension, car les PJs ne gèrent pas une communauté. Mais je dois penser à prendre en compte les conséquences de l'enquête.

Sur le système d'enquête en lui-même, j'ai découvert l'importance de la procédure "inspecter" et son utilisation. "Battre le pavé" ne rapporte que des rumeurs, au mieux des pistes. Inspecter permet d'aller beaucoup plus loin, jusqu'aux indices. Jusqu'à hier soir, je limitais "Inspecter" à des pistes matérielles : des corps, des objets, des lieux clos. Grâce à mes joueurs, j'ai compris que la procédure avait une application beaucoup plus large et s'appliquait même à des pistes plus conceptuelles ou diffuses : "deux femmes dont j'ai la description étaient présentes ce matin là" ou "telles personnes fréquentes le quartier des plaisirs". Quand on a déjà des éléments aussi précis, "battre le pavé" ne rapporte plus rien et seul "inspecter" permet de faire progresser l'enquête et la narration.

Dans #NephilimNarrativoVegan "battre le pavé" est devenu le rite de Rome (se mêler aux profanes) et permet d'obtenir des symboles (=indices), au mieux une énigme (=piste). Par contre, au risque d'être moins concis, il n'y a pas qu'une procédure "inspecter", mais plusieurs rites qui correspondent plus aux histoires de Nephilim : le rite d'Alexandrie pour faire les recherches en bibliothèque, le rite d'Ithaque pour se renseigner sur le terrain en toute discrétion, la Vision Ka pour révéler la magie sous-jacente, l'effet Mnémos pour se remémorer des événements d'incarnations passées. Chacune de ces actions doivent permettre à l'histoire d'aller plus loin, mais pas forcément dans la même direction.

Est-ce que cette diversité d'actions possibles va adoucir un peu le côté procédurier de M&M ? C'est en tout cas un aspect que j'ai plus ressenti lors de la partie d'hier soir, sûrement car elle était plus longue. Les procédures s'enchaînent, souvent les mêmes, et ça fini par lasser un peu. Le rôleplay en fait malheureusement les frais. On peut trop facilement sauter de l'initiation de la procédure à son effet sans passer par la case roleplay, simplement en choisissant les trais de l'hexagramme. Le texte du jeu nous dit de ne pas le faire et de choisir les trais en cours de scène, mais pas grand chose ne nous en empêche.

Aussi, il est difficile d'imprimer la personnalité de son personnage lors de l'utilisation des procédures communes. Le statu ou le tempérament du personnage peuvent
  1. rendre plus probable la réussite sans changer ce que la réussite implique. Par exemple avoir le droit de changer un impaire en paire
  2. donner un bonus automatique dès que la procédure est utilisée, par exemple avoir le droit à une rumeur supplémentaire
  3. modifier le domaine d'application d'une procédure, par exemple utiliser "interroger" sur un fantôme
Ces bonus vont inciter à utiliser la procédure où ils s'appliquent, mais à part le n°3 ça change assez peu la façon dont la procédure est utilisée. Je me demande si ça ne serait pas plus intéressant que les capacités spéciales rajoutent un trait ou un couple de traits (un positif et un négatif).

On rejoint là la dernière constatation de mes joueurs : la partie devient beaucoup plus amusante pour tout le monde s'ils n'oublient pas de jouer les défauts de leurs personnages de façon proactive. J'espère que les opinions fortes des Nephilioth rendront le même effet sans effort.

Enfin, en testant deux affaires entremêlées, l'une apparaissant au détour de la première, je me suis vraiment rendu compte de l'élégance du procédé. C'est la procédure "inspecter" qui fait bifurquer, grâce au trait "l'indice se rapporte à une autre affaire". Donc on est déjà au niveau d'un indice, pas d'une rumeur ou d'une piste. On gagne a peu près la moitié du temps d'enquête et donc deux affaires sont à peine plus longues à résoudre qu'une. L'impression de richesse du monde est aussi bien plus grande. Il faut que je garde ça pour le monde occulte.

lundi 1 janvier 2018

Points de Ka

Quelle est la monnaie d'échange du système de #NephilimNarrativoVegan ? Qu'est-ce qui permet de faire fonctionner ensemble les différents sous-systèmes.

Partons de l'exemple de Magistrats et Manigances. Il y a une monnaie abstraite, les "points de Ren" qui se dépensent pour autoriser des relances ou activer des capacités spéciales. Chaque personnage a sa réserve de points de Ren qui commence à trois en début de séances et qui augmente quand les travers du personnage lui attirent des ennuis. Par exemple, un personnage dévot gagne deux points de Ren lorsque le prosélytisme de son personnage le place dans une position déplaisante.

Remarquez que cette monnaie n'essaye pas de simuler les règles physiques ou sociales du monde mais au contraire pousse vers une histoire intéressante qui suit les canons du genre. Réinitialiser la réserve à trois points en début de séance pousse à tout craquer en fin de séance pour amener une apothéose satisfaisante. Pour regagner des points de Ren, il faut jouer les défauts de son personnage qui correspondent au canons du genre. En particulier il faut les jouer au delà du raisonnable du point de vue du personnage. Le joueur est incité à mettre son personnage en mauvaise posture ce qui rend l'histoire plus intéressante. Enfin, dépenser ses points de Ren permet d'augmenter ses chances de réussite. Les probabilités tournent en notre faveur, non à cause d'une raison interne à la fiction (le personnage est en position de force) mais parce que joueur a décidé que l'enjeu de cette action était trop important pour qu'elle soit perdue.

Il est intéressant de comparer cette monnaie avec celle de Space Rônin, un jeu inspiré de Cowboy Bebop en cours de préparation par Frédéric Sintès. La monnaie est une jauge de satiété qui comporte trois crans et commence à zero en début de séance. Le système de résolution de conflit est tel que les chances de succès des PJs sont normalement minces. Utiliser un niveau de satiété est souvent le seul moyen de réussir sans trop de casse. Pour remplir sa jauge, un seul moyen : laisser libre cours aux mauvais penchants de son personnage. Le joueur laisse le volant de son personnage aux mains du MJ qui va le faire aller vraiment très loin, se mettre très en danger. Par exemple un personnage curieux va monter en cachette à l'arrière d'un fourgon, qui sort de la ville, s’arrête en plein désert, deux mafieux ouvrent les portes et pointent leurs armes sur le passager clandestin ... STOP ! Je reprends le contrôle. Avec une jauge pleine et donc la puissance de feu pour sortir avec brio de la situation délicate. Mais le système a aidé les participants à créer cette situation qui fait avancer l'histoire.

Les monnaies d'échange de M&M et Space Rônin sont très similaires. Elles récompensent les travers des personnages et les aident à réussir les actions qui en valent la peine. Par contre on voit bien que les détails de comment la monnaie est gagnée, stockée et dépensée changent la dynamique du jeu.

Troisième exemple de monnaie dans le jeu Prosopopée, également de Frédéric Sintès. Si les autres participants trouvent que j'ai décris quelque chose qui leur plaît, ils prennent un dé dans un bol au milieu de la table et me le donne. Ce sont ces dés qui me permettent de résoudre des actions. Dans ce jeu, ce n'est pas jouer les travers de son personnage qui est récompensé, c'est décrire ce qui plaît aux autres. Comme la narration est très libre et ouverte, cette monnaie permet de rapidement savoir quel genre d'histoire les participants veulent construire ensemble.

On voit avec cet exemple que la monnaie d'échange ne vient pas forcément récompenser de jouer son personnage suivant un canon. Plus généralement, la monnaie défini sur quels termes interagissent les différentes sous-parties du système de jeu et donc ce qui est important dans le jeu.

Comme je m'appuie sur le système de résolution de M&M, je suis bien obligé de garder une monnaie d'échange qui s'utilise comme les points de Ren. Appelons-les points de Ka. Mais comment sont-ils stockés et comment sont-ils gagnés ?

Est-ce que je veux récompenser le fait de bien jouer son métamorphe ? Ou d'avoir les travers de son arcane majeur ? Mon essai avec le Chariot ne m'a pas vraiment convaincu de poursuivre dans cette direction. De plus, d'expérience, aucune récompense n'est nécessaire pour que les joueurs de Nephilim jouent leur métamorphe et opposent leurs opinions sur toutes les lignes de clivages ésotériques. A bien y réfléchir, les humeurs qui s'opposent deux à deux et la structure des arcanes avec leurs opinions très tranchées sur des points hermétiques aux profanes (pour ou contre l’initiation des humains, simulacre véhicule ou partenaire, pureté ou bestialité, faut-il être dieu ou prophète, etc.) font naturellement émerger ces débats qui font le sel de Nephilim. C'est une propriété émergente, un vide fertile, à cultiver sans la piétiner avec avec règles trop directives.

Récompenser une belle théorie serait, de la même façon, piétiner le vide fertile de M&M qui laisse émerger des hypothèses qui finissent par converger sur la résolution d'une enquête (ici d'une énigme).

Une possibilité serait d'aller renforcer le concept de corpus documentaire. Pour mémoire, il s'agit de documents réels qui servent à encrer le jeu dans notre monde profane : coupure de journal, site internet, photographie, guide touristique, dictionnaire des symboles, etc. J'ai pour l'instant lancé sans la développer cette idée qui est à mon avis une originalité forte de Nephilim, du moins tel que pratiqué à mes tables. A l'époque, c'était le MJ qui fournissait les éléments du corpus la plupart du temps, même s'il est arrivé à des joueurs de contribuer. Là j'aimerai bien quelque chose de plus participatif. Et donc de récompenser par des points de Ka la participation au corpus.

Comment participer au corpus ? D'abord, en abondant des documents, soit physiquement (ce qui demande une préparation) soit électroniquement (ce qui demande une connexion internet). Ensuite, en tirant du corpus des symboles qui serviront à l'enquête. Enfin interpréter ou faire le lien entre des symboles issus de l'enquête grâce au corpus. On peut imaginer recevoir 1 point de Ka par document abondé au corpus, 1 point de Ka par symbole extrait du corpus et 1 point de Ka par lien effectué grâce au corpus. Comme c'est un système tout nouveau, je vais avoir besoin de le digérer et de le tester en situation réelles.

En poursuivant un fuyard, les PJs pénètrent dans une église rupestre, "Saint Jean sous la montagne". Le joueur Antoine se saisit du guide touristique de la région et note que l'église est connue pour une fresque représentant Saint Jean en compagnie d'un corbeau au lieu d'un aigle. C'est un symbole qui rapporte 1 point de Ka. Il recherche sur internet jusqu'à trouver une photo de la fresque, ce qui rapporte un second point. Pendant ce temps, la joueuse Marie lit l'article "Corbeau" du dictionnaire des symboles et note que le corbeau est un symbole important pour les alchimistes, or ils sont sur les traces d'un alchimiste qui vivait là au moyen-âge. Cela fait un troisième point de Ka. Devant cette accumulation de symboles, et comme l'église est déserte, Marie fait passer sa Nephila en vision Ka pour en apprendre plus sur la nature magique de la fresque.
Maintenant qu'on a des points de Ka, où les stocke-t-on ? J'ai du mal à imaginer une jauge finie comme dans Space Rônin. On pourrait avoir une réserve pour chaque joueur initialisée à 3 points comme dans M&M. Ou alors, on pourrait avoir une réserve commune qui symbolise le lien magique qui unit les PJs. Cette réserve commune serait initialisée à 1, 2 ou 3 points de Ka par joueurs suivant à quel point on veut inciter les joueurs à participer au corpus.