dimanche 31 mars 2019

Economie et Symboles

Jusqu'ici, l'économie de Nephiloth était simple. Il y avait une seule monnaie, les points de Ka. Conceptuellement, ce sont des jetons, interchangeables. Les points étaient stockés dans une réserve commune et pouvaient être dépensés par n'importe quel joueur. On avait deux points par joueur en début de partie. L'utilisation du corpus permettait de gagner des points en plus. On en dépensait un pour relancer un jet ou 1 à 3 pour déclencher son pouvoir d'arcane majeur.

Mais arrivent les lames de tarot. Elles ont une valeur et servent à gérer l'aléatoire. Mais une carte peut être conservée et donc servir de jeton. D'où l'idée de remplacer la réserve de points de Ka par une main de cartes. Cette main commune commence en début de partie avec les lames des arcanes majeurs des PJs. L'utilisation du corpus permet de tirer des lames en plus à partir de la pioche des arcanes majeurs. Dépenser une carte de sa main permet de réussir un tirage. Cependant une lame de tarot n'est pas qu'un jeton. Elle a une symbolique et il semble donc naturel d'imposer l'utilisation de cette symbolique lors de la narration du succès.

Et voilà comment les symboles s'invitent de nouveau dans Nephiloth.

Et c'est bien normal, car Nephilim était un jeu qui jouait beaucoup sur la symbolique. Je suis presque honteux d'avoir oublié cet aspect jusqu'à maintenant.

Jeux symbolistes


Mais au delà d'un jeu qui joue sur la symbolique, peut-on faire de Nephiloth un jeu symboliste ? Pour moi, la référence de ce type de jeu est la clef des nuages de Félix "kF". C'est une notion qu'il a beaucoup développé sur son blog et dernièrement un podcast de Radio Roliste lui a été consacré. Au risque de froisser les spécialistes, je ne retiendrais qu'un principe : si on impose des symboles récurrents dans la narration, alors chacun va prendre un sens nouveau, propre aux joueurs, à l'histoire qui se développe et aux réseau des autres symboles mis en jeu. Ce réseau de symboles devient une sorte de langage émergent qui permet d'exprimer plus que les faits énoncés. Peut-être que ça tend vers la poésie.

La clef des nuages se joue à deux. En début de partie, un joueur choisit un symbole, l'autre deux symboles. Dans la première scène, les trois symboles doivent être présents. A chaque scène ultérieure, au moins un des trois symboles doit réapparaître. Il n'y a pas de mécanique où ces symboles comptent. Ils sont simplement une contrainte narrative. Mais grâce à leur présence récurrente, l'histoire gagne en cohérence.

D'autres jeux suggèrent ou encouragent ce fonctionnement par symboles. Par exemple Swords without Master demande aux joueurs d'inscrire des "motifs" lorsqu'une image leur plaît particulièrement dans une scène. Par exemple "La lune tel un œil rouge en colère s’ouvrant au-dessus des eaux". Les motifs se notent pas trois. Quand une série de trois motifs est terminée, on commence la série suivante, avec la contrainte qu'au moins un des nouveaux motifs doit reprendre un motif du trio précédant. Pour filer l'exemple : "Émergé, tel un crocodile, hors de l’eau". Les motifs rythment la partie, puisque la complétion du troisième trio de motifs enclenche l'épilogue. Lors de cet épilogue, les motifs sont réutilisés pour évoquer le destin des personnages.

Symboles comme deuxième monnaie

J'avais tout de même déjà parlé de symboles pour Nephiloth, mais c'était juste pour en faire une étape de l'enquête, l'équivalent des rumeurs dans Magistrats et Manigances. J'avais imaginé qu'on puisse obtenir un symbole par le rite de Rome ou en exploitant le corpus documentaire. Le symbole obtenu de cette façon est une information, quelque chose de flou qui sera peut-être pris en note par le joueur. Toujours en suivant M&M, j'avais imaginé qu'on puisse transformer un symbole en une piste solide si on choisissait les bonnes options de certains rites. Je relis la formulation actuelle des rites et toutes ces idées ont pratiquement disparues.

Là, j'ai envie de réintroduire les symboles comme deuxième monnaie du jeu. Oui, on peut extraire des symboles du corpus documentaire (à voir comment ça s'articule avec le tirage d'arcane majeur). Oui, le MJ met un nouveau symbole en jeu à chaque utilisation du rite de Rome, deux si on choisit la bonne option. Mais les symboles ne sont plus des pistes ni des informations. Un symbole n'a pas de signification fixe, que des interprétations. Les symboles sont des motifs appelés à devenir récurrents dans la narration afin de structurer l'histoire.

Quand un symbole est mis en jeu, on le note à un endroit visible de tous. La première fois qu'un joueur utilise un symbole dans sa narration, on fait une coche à côté du symbole. Après la deuxième coche (quand au moins deux joueurs ont utilisé ce symbole), on dit que le symbole est "chargé". Utiliser un symbole chargé dans sa narration apporte des bonus mécaniques. Par exemple un rite dont la narration utilise un symbole chargé aura une réussite supplémentaire ou une carte de plus à tirer. Les pouvoirs d'arcanes demandent des narrations faisant intervenir 1, 2 ou 3 symboles chargés (au lieu de points de Ka).

Personne n'a à juger de la pertinence de l'introduction de tel ou tel symbole dans la narration d'un autre joueur. Les autres participants confirment juste que N symboles ont bien été utilisés.

J'ai introduits dans les rites de base trois réussites supplémentaires dites "réussites symboliques". Elles ne sont accessibles que si un symbole chargé a été utilisé lors de la narration qui déclenche le rite et la narration de la réussite doit être teintée par ce symbole. Ces réussites symboliques ont une connotation magique. La Nephila a mobilisé des symboles pour obtenir un effet surnaturel. D'ailleurs toute mise en œuvre de symboles est une forme de magie. Ca sera peut-être même la seule forme de magie de ce jeu finalement.

Mais je m'égare. Je parlais d'économie de jeu. Est-ce que les symboles tels que je les décris peuvent être une monnaie valide ? Est-ce que le paradigme du jeu symboliste - faire se répéter des symboles pour toujours les réinterpréter - peut s'adosser à une monnaie d'échange qui se crée et se dépense et est donc impermanente par nature ?

Le corpus et certaines manœuvres matérialisent des symboles en jeu. La narration les charge. L'utilisation magique des symboles les décharges. Est-ce que les symboles déchargés restent sur la table pour être réutilisés ?
  • Oui, dit le symboliste, les symboles doivent pouvoir être rappelés et réinterprétés.
  • Non, interjette l'économiste qui s'inquiète de voir le nombre d'unités monétaires en jeu augmenter perpétuellement. Ca va être trop facile d'accumuler 3 symboles chargés à dépenser pour déclencher les pouvoirs d'arcane les plus puissants !
  • Moui, marmonne le concepteur, il y a quand même un facteur limitant de taille : il faut recharger un symbole avant de le décharger. Ce qui est important ce n'est pas le nombre de symboles en jeu, c'est le nombre de symboles chargés. Et charger un symbole ça demande que deux PJs le réintègrent à leur narration. 
  • Du coup il y a toujours un effort à fournir, ce n'est pas de l'argent magique, se réjouit l'économiste.
  • Mais, s'inquiète le symboliste, ça veut dire qu'il y aura potentiellement en jeu de nombreux des symboles qui ne seront pas chargés, ou juste une fois.
  • Et donc il va falloir garder la trace de ces pelletées de symboles, grommelle le concepteur. Misère, comment je vais gérer ça ! Et la mémoire d'une partie sur l'autre. Ha misère !

Gestion pratique des symboles

Alors, commençons par la mémoire d'une partie sur l'autre. Se souvenir de tout n'est ni pratique ni raccord avec la mémoire-passoire des Nephiloth. Déjà, je propose qu'on ne se souvienne pas de l'état (chargé ou déchargé) des symboles. De plus, autant garder seulement ce qui nous a marqué. Du coup on peut dire qu'en fin de partie, chaque joueur choisi un symbole qui a particulièrement marqué son personnage pendant cette partie et le note sur sa fiche. Ce symbole sera automatiquement en jeu (non chargé) à la partie suivante.

Mais alors, les grands symboles récurrents de la campagne, comment ils reviennent ? Et bien s'ils sont si récurrents que ça, ils vont revenir de toute façon. Soit les PJs les retrouveront tout seuls dans le corpus de la partie suivante :
"Hé! Regardez ce que je viens de trouver dans le guide vert. Le tribunal de commerce est rue de l'épervier. Vous vous souvenez de ce groupe de Mystes qui avaient pour symbole un épervier ?"

Soit le MJ les réintroduira lors des rites
MJ : Dans la crypte, tu remarques immédiatement une statue de vierge noire.
Joueur : Han! Comme dans l'avant-dernière séance ! C'est un symbole ?
MJ : Carrément !
En cours de partie il faut donc gérer quels symboles sont en jeu, quels symboles sont chargés, et quel symbole a été utilisé dans la narration de quel joueur depuis la dernière fois où il a été déchargé. On peut peut-être gérer ça avec des post-it.
  • Quand un symbole est mis en jeu, on l'inscrit sur un post-it et on le dispose près du MJ, face aux joueurs
  • Quand un joueur utilise un symbole dans sa narration, il prend le post-it et le place proche de lui, face aux autres joueurs.
  • Quand un deuxième joueur utilise un symbole dans sa narration, il prend le post-it et le pose au centre de la table, proche des pioches.
  • Quand un joueur décharge le symbole, il replace le post-it proche du MJ.

Bon, bein il n'y a plus qu'à tester tout ça !

jeudi 21 mars 2019

Tirage de Tarot

Lors du dernier test, j'avais apporté un jeu de Tarot de Marseille pour donner un peu de couleur au jeu. Ni une ni deux, on m'a suggéré d'en faire le moteur de l'aléatoire du jeu.

L'idée de jouer à Nephilim avec un jeu de tarot n'est pas nouvelle et j'avoue que c'est un tel poncif que ma première réaction a été de dire non. Mais en dehors de l'ambiance qu'apporte les lames de Tarot, l'utilisation de cartes à jouer a deux particularités intéressantes:
  1. Une sorte de Karma (me souffle un de mes testeurs). On tire des cartes dans une pioche qui comprend un nombre fini de cartes. Donc si on tire beaucoup de mauvaises cartes, la probabilité de tomber sur de bonnes cartes augmente. En terme mathématiques, on tend plus vite vers l'espérance.
  2. La possibilité de garder les cartes dans une réserve, d'avoir une main parmi laquelle on choisit son prochain coup.
Mais parlons probabilité. Dans Magistrats et Manigances, un jet de 3 dés identiques permet de choisir 3 traits: le joueur choisi un trait par dé faisant un résultat paire et le MJ un trait par dé faisant un résultat impaire.

Nb succès joueur0123
Probabilité (%)12,537,537,512,5

Dans Apocalypse World, on lance 2d6+carac. Un résultat de 6 ou moins indique un échec, entre 7 et 9 une réussite partielle et 10 ou plus une réussite totale.

carac6-7-910+
-272.225.02.8
-158.333.38.3
041.741.716.7
127.844.427.8
216.741.741.7

L'idée dans ces deux jeux est d'avoir une forte probabilité de réussite partielle qui font avancer l'histoire, mais de rapidement réduire la probabilité d'échec dès que le joueur prête attention à l'action. Ainsi, dans M&M le joueur peut relancer un jet raté dont le résultat lui tient à cœur en dépensant un point de Ren. Dans AW, le joueur aura tendance à privilégier les manœuvres où son personnage a une carac élevée, ou de ne lancer les autres que quand il dispose d'un +1 en provenance d'une autre action. Remarquez l'effet de passer de +0 à +1: la probabilité d'échec s'effondre.

Voyons comment reproduire une structure de probabilité équivalente avec un tirage de tarot.

Un jeu de Tarot est composé de 22 arcanes majeurs (une lame chacune) et de 4 arcanes mineurs (10 lames numérotées et 4 figures chacune). Les figures d'arcane mineur sont le Valet, le Cavalier, la Reine et le Roi. Il y a donc 78 lames au total.

Une première idée de tirage est de ne tirer qu'une carte. Les lames numérotées, les plus nombreuses, donnent une réussite partielle. Les arcanes majeurs (symboliquement liées aux Nephiloth) donnent une réussite totale. Les figures donnent des échecs. En terme de probabilité ça donne

échecpartieltotal
20.551.328.2

C'est assez semblable à une carac à +1 dans AW, mais en encore plus favorable. En plus, on n'utiliser pas du tout la symbolique des carte ou la possibilité de se constituer une main.

Autre idée : les arcanes majeurs sont mis à part au début. On en extrait les lames des arcanes des PJs (et peut-être un arcane de plus par PJ) qui sont disposées face visible. Cette "main" est l'équivalent de la réserve commune de point de Ka du système précédent. Le reste des arcanes majeurs constitue une pioche, face cachée. Ainsi, lorsqu'on abonde un document au corpus ou qu'on relie à la fiction un symbole trouvé dans le corpus on pioche un nouvel arcane majeur qu'on ajoute à la main commune. Utiliser un arcane de la main commune permet d'obtenir un succès total, mais il faut narrer en accord avec la symbolique de l'arcane utilisé.

Mais en temps normal, on va piocher dans les lames d'arcanes mineurs pour déterminer la réussite des actions. Si on pioche une seule carte et qu'on garde les significations précédentes, on a

échecpartieltotal
28.671.40.0

Là, on se demande un peu pourquoi utiliser l'aléatoire. 7 fois sur 10 on aura un résultat passable, et 3 fois sur 10 un PJ dépensera un arcane majeur de la main pour passer outre un échec.

Une autre possibilité permet de se rapprocher de la distribution d'AW. Le MJ tire une première carte, puis le joueur tire une seconde carte dans le but de battre celle du MJ. En cas d'égalité entre les valeurs des cartes, on a une réussite totale. On voit bien que dans ce système on a la même probabilité que la carte 2 soit strictement au dessus de la carte 1 que l'inverse. Comme dans AW avec une carac à +0, on a la même probabilité d'échouer que de faire une réussite partielle.

Les arcanes mineurs numérotés ont évidemment des valeurs de 1 à 10. Mais quelles valeurs donne-t-on aux figures ? Première possibilité, on leur donne un rang : Valet 11, Cavalier 12, Reine 13 et Roi 14. Seconde possibilité, toutes les figures ont pour valeur 11.

Figureséchecpartieltotal
ordonnées47.347.35.5
égales44.244.211.7

Maintenant, comment donner un avantage significatif pour refléter une spécialité (arcane ou hôte) ? Donner la possibilité au joueur de tirer une autre carte et de choisir entre les deux celle qu'il préfère. Les probabilités deviennent :

Figureséchecpartieltotal
ordonnées22.866.211.0
égales27.848.823.4

Lorsque les figures sont égales, les distributions sont assez équivalentes à celles de AW avec +1 correspondant à +1 carte à piocher.

nb cartes joueuréchecpartieltotal
144.244.211.7
227.848.623.6
317.846.435.7

Je vais donc travailler sur ce système pour y adapter les rites et les pouvoirs d'arcanes majeurs.

dimanche 17 mars 2019

Test Troyen

J'ai pu mener une partie test, la première autour d'une table depuis longtemps. Comme on avait plus de temps et qu'on était plus efficace qu'en ligne, on a pu non seulement mener à bout la création de personnage mais aussi jouer un peu avec le système. Et ça a fait apparaître des gros problèmes de cohérence de l'ensemble.

Compte-rendu

Création de personnages

D'abord, une explication rapide du concept du jeu, de l'histoire invisible, et de la nécessité d'une époque commune. Ensuite, un tour de table où chaque joueur a énoncé en un qualificatif ce qu'il attendait de l'époque commune: panache, florissante, voyages. Puis, chacun a noté quelques époques qui d'après lui correspondaient à ces critères. Chacun a alors défendu ses époques. Un autre tour de table a permis d'éliminer les époques qui ne plaisait pas à tout le monde. Ne sont restées que "les héros grecs" et "1492 l'âge des découvertes". Après beaucoup d’hésitations, on s'est fixé sur l'époque la plus ancienne : la Grèce mythologique.

Le choix des archétypes et des arcanes majeurs a bien roulé, supporté par des imprimés qui se sont révélé efficaces. De plus, j'avais un jeu de tarot de Marseille dont je distribuais les arcanes majeurs au fur et mesure de l'évolution des choix des joueurs. Au final, on a
  • Le Jugement satyre
  • L'Hermite chimère
  • Le Bateleur phénix
J'ai aussi utilisé les valets d'arcanes mineurs pour présenter quatre arcanes mineurs. Avoir cette présentation imprimée serait fort utile pour la suite. En plus de ça, je n'ai eu besoin que de présenter que les éléments Soleil et Orichalque.

Nous sommes ensuite passé à la création de l'époque commune. J'ai proposé la guerre de Troie comme marqueur temporel: voulaient-ils jouer avant (Hercules, Argonautes, etc.), pendant (jugement de Paris, Iphigénie, Iliade) ou après (Odyssée, tragédies d'Andromaque et d'Elèctre) ? Le choix s'est porté sur "pendant" et deux des joueurs se sont focalisés sur la phrase "mon hôte était" en énumérant les noms de personnages mythologique. Malheureusement le troisième joueur s'est retrouvé limité (par rapport aux autres) dans les références mythologiques. Lors du debrief, on a suggéré que le joueur le moins à l'aise avec la période choisie soit celui qui pose les éléments de la grille de lecture qu'il aimerait trouver ("je veux des R+C qui affrontent des Templiers") et les autres plaquent ça sur leurs connaissances. Je me dis que "mon hôte était" devrait venir après le reste de la description de l'époque pour ne pas trop focaliser l'attention.

Au final, l'interprétation trouvée est qu'à l'époque les Nephiloth marchaient encore parmi les humains en tant que héros. Les R+C (Ulysse) ont embrigadé de nombreuses Nephiloth (Achille) dans une guerre menée par les Templiers (Agamemnon) contre Troie qui était un sanctuaire pour les Nephiloth. Les PJs étaient respectivement Paris, Cassandre et Antigone. Elles ont passé un pacte pour réécrire l'histoire (Cassandre est devenue Homère) afin de permettre aux Nephiloth de survivre. En conséquence, le voile de l'occulte s'est formé et les Nephiloth vivent maintenant cachées des profanes. J'ai beaucoup aimé que les PJs se placent comme instigateur d'un événement aussi fondateur de l'univers.

Chaque joueur s'est ensuite créé une époque propre à son personnage. J'ai trouvé ça plus laborieux que d'habitude mais objectivement ça a été relativement rapide.
  • Le Marquis de Sade voulait célébrer l'union Nephiloth-Humains, contre la Coupe mais allié à des Mystes
  • William Shakespeare voulait discréditer Henry VIII alors que les Templiers voulaient suivre son exemple et pourchasser les Nephiloth. Elle a du passer un pacte avec les Rose+Croix afin d'écrire des pièces de théâtre qui ont changé l'histoire.
  • Le Pape Clément V voulait libérer l'humanité du Bâton qui lui voulait dominer toute l'Europe. Elle a dû passer un pacte avec le Denier afin de prendre le contrôle de l’Église catholique.

Jeu libre, sans préparation

Arrivé à ce point, j'ai exposé le système de jeu à base de rites, d'avantages et désavantages modifiant les jets, de points de Ka et de corpus documentaire. Pour les rites en particulier, je pose que
  • 10+ : le joueur choisit une réussite possible et le MJ décrit ce qu'il se passe; 
  • 7-9 : le joueur choisit une complication possible et le MJ une réussite possible et décrivent ensemble ce qui se passe;
  • 6- : le MJ a la main.

J'ai ensuite posé quelques questions orientées pour définir la situation actuelle. Il y a beaucoup de boulot à faire encore sur ce point. Les questions n'ont souvent mené à rien, voir l'apport du joueur qui y a répondu a été nié ensuite.
  • Au Jugement: Pourquoi as-tu rassemblé les autres ? Car l'heure est grave et les Templiers s'agitent. (On évoque une découverte archéologique récente, mais je n'ai pas su prendre la balle au bond)
  • A l'Hermite: où est-il allé te chercher ? Dans le corps d'une comateuse. J'avais cru trouver un hôte à la vie intérieure riche. Tu l'as réveillé.
  • Au Bateleur: quelle est l'association que tu inities ? (Je ne me souviens plus de la réponse)
Les simulacres se dessinent un peu malgré mes questions et sont le véritable input créatif des joueurs sur lequel je tente de bâtir.
  • Un contrôleur des impôts célibataire endurci
  • Une blogueuse de 19 ans à peine sortie du coma et en fauteuil mais avec 10000 followers
  • Une reporter de guerre
Sans beaucoup de transition, je balance au milieu de la table une coupure de presse qui parle de statues de muses et de l'opéra de Lyon. La réaction est alors "Et ça, ça suffit à nous intéresser ?" mais comme les joueurs sont sympas ils font comme si. Pour renforcer la cohérence, on détermine que l'Hermite était en stase dans l'une des statues des muses qui ornent la façade de l'opéra. Elle s'est incarnée dans la blogueuse qui avait grimpé jusque là haut pour un défi, et est tombée, d'où le coma.

Du coup, promenade devant l'opéra et vision Ka, qui "comprend la nature magique de quelque chose ou quelqu'un", c'est à dire que la chorégraphe des danseurs de hip-hop sur le parvis de l'opéra a de l'orichalque sur elle. Elle est habillée en blanc et se nomme Saphir. Des fans de la blogueuse sont réquisitionnés pour surveiller l'opéra, pendant que les PJs vont visiter le siège du club de hip-hop. Le Jugement découvre que l'antiquaire du rez-de-chaussée sous le club est trésorier ce celui-ci, et donc de mèche. Celui-ci empêche les PJs de rentrer, attroupement, le Bateleur en profite pour s'introduire (rite d'Ithaque). La blogueuse est encore reconnue et défendue par des fans. Après un retrait stratégique, l'Hermite envoie ses fans jeter un œil dans la boutique de l'Antiquaire. Je décide de faire rappliquer les danseurs de hip-hop (move de MJ?) mais j'oublie la surveillance de l'opéra par des fans de la blogueuse qui auraient dû prévenir celle-ci en avance du départ des danseurs. Le joueur me le fait remarquer et je réagis mal en niant son apport. Pendant ce temps, le Bateleur explore la salle de danse et identifie une salle au fond comme contenant régulièrement de l'orichalque mais n'en contenant pas à l'heure actuelle. A la redescente, une complication d'un rite d'Ithaque dirige la colère de l'antiquaire et des danseurs sur les fans qui prennent des photos de la boutique de l'antiquaire. L'Hermite et le Jugement tentent d'intervenir, mais les danseurs dirigent leur coups sur eux, assommant le Jugement et renversant le fauteuil de l'Hermite. Le Bateleur en bon phénix saute du premier étage, flingue à la main et colère froide dans les yeux. Elle met en fuite les danseurs assez longtemps pour permettre la retraite du groupe. L'Hermite essaye son rite d'Arcane pour minimiser les conséquences de l'événement. Je négocie encore n'importe comment l'avantage et fini par le refuser. A un près, il y a une complication, donc Saphir restera convaincue que les danseurs ont affrontés des Nephiloth. Fin de la partie.

J'ai plusieurs fois l'impression de me prendre les pieds dans le système. Il y a par hasard beaucoup de 10+, donc j'ai très peu la main sur la narration. Sans faits préétablis, je n'ai rien à me raccrocher pour assurer la cohérence, pourtant les PJs mènent l'enquête et attendent de la matière de ma part. Du coup, je me met à être avare de +1 en réponse aux avantages recherchés par les joueurs. Encore une fois, je nie leur créativité.

Debrief, reproches et morales de l'histoire

Proposition du jeu

Le point à mon avis principal est que la proposition du jeu n'est pas claire. Je cite le joueur de l'Hermite
Je trouve la création des persos et de l’univers hyper intéressante [...] Cette création est vraiment centrée sur le caractère, la personnalité, la voie du personnage et son lien, son impact dans l'Histoire. Comme je te l'avais dit la première fois, cette étape pour moi, c'est déjà du jeu !
Et ensuite, il y a la mécanique et les moves que tu as as choisis, construits qui sont essentiellement basés sur l'enquête (et détachés de nos persos : pas de caracs ou de modificateurs liés à qui nous sommes hormis le +1 de notre rite préféré). Ca centre vraiment le jeu autour de l'enquête, du mystère. [...]
Mais du coup, je me retrouve dans deux moments de jeu : 1) la création centrée sur mon perso et ses objectifs avec avec une idée de confrontation/cohabitation hyper intéressante avec les autres persos et leurs propres objectifs et 2) le jeu en lui-même où cette dimension semble disparaître au profit du mystère. Il me manque un lien, une intention entre ces deux visions du jeu que je n'arrive pas trop à faire coexister.
J'ai bien senti que mon lien entre la création des personnages et le début de l'aventure, et donc leurs motivations, était très faible, voir inexistant. Mon accroche préparée à l'avance a eu très peu d'écho. Seule la bonne volonté des joueurs (le contrat social) a motivé le début de l'enquête des personnages. Je pense que toutes les techniques pour effectuer cette transition sans faute restes à inventer ou à redécouvrir dans les autres PbtA et plus largement les jeux propulsés par les PJs.

Le même joueur a également pointé le fait qu'il n'y a pas de rite pour gérer les divergences entre PJs. En fait il y en a un, implicitement, le rite d'Athènes (négociation). Mais c'est vrai que tous les rites sont centrés sur l'enquête. Il manque sûrement une partie du système pour gérer les relations entre PJs, en plus des points de Ka partagés.

Le joueur du Jugement suggère
Quitte a utiliser les mécaniques d'AW, Pourquoi ne pas faire une création de lien dans le même style ? Un système de lien propre à chaque Arcane et/ou Élément.

Co-création

Le joueur du Jugement (de mémoire)
Je comprends que tu ai été en impro totale, mais j'espère qu'il y aura une vraie énigme après. Sinon ce n'est plus le même jeu !

Comment concilier une énigme (qui doit initialement dépasser les PJs) et un univers en co-gestion ? Est-ce que l'énigme peut vraiment émerger des moves, c'est à dire des indices, sans que les faits aient été préalablement établis ? C'est ce que suggère Magistrats & Manigances, mais que je n'ai jamais réussi à reproduire. En tant que joueur de M&M, j'ai vu une partie sur ce mode partir en eau de boudin faute de fil conducteur. En tant que MJ de M&M, je me suis toujours raccroché à des faits établis. C'est cette fois-ci, en tant que MJ de Nephiloth, que j'ai pour la première fois tenté de partir des indices. Je ne me suis pas du tout senti soutenu par le système. Ballotté en tous sens.

La prochaine fois, j'essayerai de partir de faits établis et je verrai bien comment ça tourne.

Le même joueur
Je comprends la nécessité de lier les personnages via ce pacte de Ka, mais pourquoi passer par une création en Full "narration partagée" vu qu'on ne retrouvera plus ce mode de jeu par la suite ?
Mais si, il y en a ! C'est l'interprétation du corpus documentaire. Mais c'est vrai qu'on a pas pu jouer sur ce plan pendant la séance. Et je sens que ça fait partie de cette co-gestion de l'univers qui risque de poser problème avec l'établissement d'une énigme.

Rendre la création de personnage plus facile aux joueurs moins à l'aise

Le joueur de l'Hermite a suggéré que le joueur le moins à l'aise avec la période choisie soit celui qui pose les éléments de la grille de lecture qu'il aimerait trouver ("je veux des R+C qui affrontent des Templiers") et les autres plaquent ça sur leurs connaissances. A creuser.

Le joueur du Jugement
Pourquoi ne pas JOUER la période commune : un micro scénar / une scène. Le MJ introduisant le décors et les protagonistes en présence, tu évites aux incultes comme moi de se retrouver en difficulté.
Je ferais ça si je voulais laisser totalement tomber la co-création de l'univers. J'espère ne pas avoir à en venir là.

Le système de résolution des rites

J'ai été le premier à dire que la façon dont j'ai proposé de gérer les rites péchait. Mais ce sont mes joueurs qui m'ont expliqué pourquoi. Le joueur de l'Hermite a mis en avant l’intransigeance avec laquelle j'avais abordé les avantages (de mémoire).
Si tu dis non trop souvent, alors les joueurs vont se lasser de voir leurs propositions rejetées et vont arrêter. C'est très frustrant de voir son apport créatif nié. Il faudrait toujours accepter les avantages proposés par les joueurs, quitte à les contrebalancer par des désavantages. Là, tu nous dis "ce que tu fais n'est pas assez". Je vois une dérive possible vers une course à "faire plaisir au MJ".
Le joueur du Bateleur a complété par ce qui a été pour moi une véritable révélation sur le fonctionnement des PbtA (de mémoire)
Dans un PbtA, le MJ est intransigeant sur le déclenchement du move. Si la description n'est pas assez étoffée pour déclencher le move, il n'y aura pas de move. Je prend beaucoup de plaisir à décrire comment je déclenche un move, ça peut être très créatif. Là, avec les avantages, j'ai l'impression de devoir répondre à des figures imposées.
Pour mémoire, j'avais décidé d'introduire ces avantages/désavantages pour éviter de trop survoler les scènes. Peut-être que je n'avais pas compris que le rôle du MJ était de n’accepter que les moves/rites déclenchés proprement. Je vais sûrement devoir revoir ma copie.

Le joueur du Bateleur a proposé que les +1 soient en fait uniquement les points de Ka partagés. Ça enlève le jugement de valeur à leur utilisation. J'y pense.

Pourquoi ne pas utiliser le tarot ?

Le joueur du Jugement
L'utilisation du tarot dans le système de jeu me semble une évidence pour des raisons esthétiques mais aussi pour la richesse de jeu que cela peut amener
C'est vrai que c'est la première fois que j'avais un jeu de tarot de Marseille à la table et que sa présence physique a bien rajouté à l'ambiance. Sur le moment, j'ai dis non, trop complexe et je n'ai pas envie de penser aux probas. Mais depuis je ne fais que d'y penser, et je trouve effectivement de la richesse tout à fait dans le ton du jeu. Donc attendez-vous à trouver ça dans un prochain billet.


A mes joueurs : n'hésitez pas à préciser/corriger les propos que je vous prête.