samedi 26 juin 2021

Nephila minima

Voici le jeu que j'ai soumis au concours Il était une fois un petit jeu de rôle, sur le thème "Revivre" avec pour contrainte que le jeu ne devait pas dépasser 500 mots.

Je partage ce jeu sous licence Creative Commons Attribution CC BY INTERNATIONAL 4.0


 

On joue à deux : le Présent et le Passé. Il y a une seule protagoniste, qui a failli mourir et qui à cette occasion prend graduellement conscience d'une vie antérieure, des années ou des siècles plus tôt, et de pouvoirs magiques.

Préparation secrète

  • Le Présent détermine qui est la protagoniste aujourd'hui, de quoi elle a failli mourir et d'un symbole proche d'elle. Par exemple la PDG d'une entreprise publique qui a failli mourir en montagne, symbole de la corde.
  • Le Passé détermine qui elle a été dans une vie antérieure, qui sont les Poursuivants qui veulent de nouveau sa mort, et pourquoi. Par exemple Cléopâtre, poursuivie par des vampires qui veulent ressusciter César avec son sang.


Introduction

Le Passé décrit une sensation désagréable que lui joueur a ressenti il y a peu. En s'en inspirant, le Présent narre le premier éveil de la protagoniste après qu'elle ait failli mourir. A tout moment, le Passé peut l'interrompre pour faire intervenir un Poursuivant. La narration est libre et partagée entre le Passé qui narre les actions des Poursuivants et le Présent qui narre les actions de la protagoniste (le reste de l'univers et des personnages est décrit en commun), jusqu'à ce que le Présent demande pourquoi, cherche dans ses souvenirs ou cherche une assistance surnaturelle. Là, la conversation devient codifiée.

Rituel

Il n’est pas possible de demander des explications ou des précisions en dehors des échanges prévus ci-dessous. En particulier, le Passé ne doit jamais demander d’expliciter l’intention du rituel, et le Présent ne doit jamais la donner, ni expliquer pourquoi son rituel fonctionne. Il est possible de demander "est-ce que tu as terminé ?"

  • Passé : Qu'est-ce que tu t'attends à trouver dans tes souvenirs ?
  • Le Présent fait une réponse courte, peu développée et abstraite pour laisser la description complète au Passé. Par exemple "Une épreuve qui m'a permis de prouver ma valeur" ou "Quelqu'un qui ressemble à mon poursuivant".
  • Le Passé narre seul un souvenir de la protagoniste en s'inspirant de l'attente du Présent. Il doit révéler au Présent une nouvelle information sur le passé de la Protagoniste.
  • Le Présent s'inspire du souvenir et du symbole pour narrer les effets, positifs et négatifs, de la magie de la Protagoniste sur la situation présente.


Suite ou fin

Quand le Présent a rendu la main, le Passé peut déclarer que la poursuite est terminée. Dans ce cas, il est possible de narrer un épilogue. Dans le cas contraire, le jeu libre peut reprendre entre Poursuivants et Protagoniste, jusqu'à ce qu'un nouveau rituel soit déclenché.

Variantes

  •  Un seul Passé, plusieurs protagonistes et autant de Présents
  •  Un seul Présent, un seul protagoniste aux multiples vies et autant de Passés


Inspirations

La Clé des Nuages de kF, Symbiose de Nitz, Psi*Run de Meguey Baker et bien sûr Nephilim et Nephiloth dont ce jeu cannibalise le système de magie.

samedi 27 février 2021

Démarrer une campagne grâce au système de Pour la Reine

Cette semaine, j'ai enfin commencé une campagne de Nephiloth. Elle est inspirée par le Souffle du Dragon, la première campagne publiée pour Nephilim, et aussi la première campagne de Nephilim que j'ai maîtrisée.

Il a fallu que je me pose la question du système de création de personnage, ou de façon plus moderne, de la création de groupe de personnages. Les éditions de Nephilim auquel j'ai joué, comme la plupart des système de jeu de rôle traditionnels, permettent la création de personnage très cools individuellement, mais ne proposent rien pour lier les personnages entre eux. C'était au MJ de faire sa sauce, de créer des liens passés ou des situations présentes qui justifient que les personnages se retrouvent et agissent de concert.

Là, je vais vous présenter un système pour créer un groupe cohérent pour votre campagne, avec des relations, des motivations communes qui vont dans le sens de votre future campagne. Ce système est dérivé du jeu Pour la Reine (For the Queen d'Alex Robert) que vous pouvez acheter en Français chez Bragelonne. Vous pouvez aussi jouer à Pour la Reine ou ses dérivés sur forthedrama.com. Le principe : à tour de rôle, on pioche une carte et on la lit à haute voix. Un premier tas de cartes est lu dans l'ordre. Ce sont les cartes instructions où on explique le cadre du jeu et ses règles. Ensuite, un deuxième tas de carte est mélangé. Ce sont les cartes questions. Chacune contient une question orientées adressées au personnage de celui qui lit la carte. Par exemple

Tu étais follement amoureuse. Étais-ce un humain ou une Nephila ? Pourquoi les Templiers sont-ils la cause de votre séparation ?

Les autres participants, MJ compris, peuvent faire des suggestions ou poser des questions supplémentaires, mais c'est toujours celui qui lit la carte qui a le dernier mot sur la réponse. Il y a des mécanismes pour transférer la question à un autre ou annuler des choses qui ne nous plaisent pas. La conversation est structurée et c'est très efficace. Et on joue déjà, on s'amuse.

Cette partie de cartes se fait alors qu'on a à peine choisi le caractère de son personnage (son métamorphe/archétype et son arcane majeur) et avant toute création en terme d'historique ou de caractéristiques chiffrées. L'historique vient en jouant cette partie. Les caractéristiques chiffrées ça dépends de votre système (dans le mien, il n'y en a pas).

Un exemple : ma partie de cette semaine.


Les cartes questions sont tirées au hasard. Ici c'est forthedrama.com qui s'en charge. Vous pouvez accéder à mon jeu de carte ici et vous pouvez l'utiliser librement. Mais ces cartes sont crées exprès pour le Souffle du Dragon. Et si vous avez une autre campagne en tête, que faire ? Dans la suite, je vous explique la méthode que j'ai employé pour créer ce jeu de cartes, qu'il vous restera ensuite à entrer sur forthedrama (ou imprimer des cartes vous même, si vous pouvez jouer en physique).

Thèmes, notions, ennemis et alliés

La première étape, c'est de se rendre compte que votre campagne ne nécessite pas de connaître tout l'univers de Nephilim. Analyser-là pour identifier les thèmes que vous voulez aborder dans votre campagne, les notions nécessaires au début pour les PJs, et les factions que tous les PJs doivent reconnaître comme des ennemis ou des alliés.

Par exemple, le Souffle du Dragon tourne autour du réenchantement d'une région de culture Celtes. Pour peu qu'on veuille mélanger ça aux Arthuriades, il faut que les PJs aient un intérêt pour la Kabbale. Les ennemis sont les Templiers. En bonus, ça peut être bien s'ils sont liés à quelques PNJs comme Mélusine, Dahud ou Sladek, ou qu'ils aient entendu parler des Lusignan.

Époques

Ensuite, il faut trouver de quelles époques vous avez besoin pour introduire les notions listées ci-dessous. Ne vous éparpillez pas, 3 époques doivent suffire, au delà vous allez disperser l'attention des joueurs.

Par exemple, pour que les PJs soient motivés par le réenchantement d'une région Celte, il est idéal qu'ils aient connus l'aire Celte enchantée, et qu'ils en soient nostalgiques. J'ai donc choisi comme époque la guerre des Gaules et la chute du Compact du Couchant.

Pour introduire la Kabbale, autant commencer par son commencement, c'est à dire l'incident Jésus. Ça permettra aussi d'introduire le Graal.

Et pour introduire le Temple, autant parler de son apogée entre les croisades et le procès des Templiers, mais en précisant bien que les Templiers n'ont pas disparu pour autant.

Je laisse volontairement de côté les Arthuriades qui apparaîtront directement en jeu.

Cartes instructions

Maintenant que les époques sont choisies, il faut les décrire en peu de mots pour que ça tienne en quelques cartes instructions lues par tout le monde en début de jeu. Ces cartes posent toutes les notions importantes et constituent le cadre commun. Il faut bien se souvenir que les cartes questions vont arriver dans un ordre aléatoire, a priori non chronologique, et que vous ne pouvez pas supposer qu'une carte question a déjà été lue pour servir de support à une autre. Ce sont sur les cartes instructions et elles seules qu'il faut se reposer.

Voilà ce que ça donne pour le Souffle du Dragon

  • Le Compact du Couchant était un accord entre les peuples Celtes et les Nephiloth qui vivaient sur leurs terres. Des humains se portaient volontaires pour devenir des hôtes et les Nephiloth contribuaient par leur sapience et leur magie à la prospérité des humains.
  • Le Compact du Couchant est tombé sous les coups des légions romaines. La culture Gallo-romaine était dominée par les Mystères, des humains initiés qui vénèrent les Nephiloth mais veulent s'approprier leurs pouvoirs par des rituels impliquant l'orichalque.
  • L'incident Jésus a bouleversé le monde occulte comme le monde profane. Jésus, à la fois immortel et humain a défriché la Kabbale et a offert cette nouvelle pratique magique aux Nephiloth. La foi humaine pouvait devenir la base d'une magie.
  • Lors des croisades, une société secrète humaine ennemie des Nephiloth s'est révélée au grand jour. Les Templiers voulaient détruire toutes les Nephiloth. Ils n'ont pas disparu avec leur procès en 1314 et agissent toujours dans l'ombre.

Quand ces cartes sortirons, il y aura peut-être des questions, comme "c'est quoi l'orichalque déjà ?". Répondez-y en quelques mots, ne vous lancez pas dans une thèse.

Ces cartes qui décrivent les époques ne peuvent pas être les premières instructions. Il faut donner un cadre plus général avec les deux cartes suivantes.

  1. Vous vous êtes incarnés au cours des âges. Trois époques vous restent en mémoire, brouillées par la douleur, le chagrin et les siècles.
  2. À chaque incarnation, vous avez pu vous croiser. Vous vous êtes reconnues et aidées en sœurs.

Ensuite viennent les descriptions des époques, puis les règles du jeu, et enfin deux cartes qui décrivent la carte finale, celle qui va clore la partie.

  • Continuez de répondre, passer ou utiliser la carte X jusqu’à ce que la carte « Mais c'était il y a bien longtemps » soit tirée.
  • Chaque joueureuse répond aux questions « Qui était ton dernier hôte avant aujourd'hui ? L'Histoire a-t-elle retenue son nom ? Comment est-il mort ? » à tour de rôle. Puis la partie est terminée.

Cette dernière carte est peut-être améliorable, mais elle a le mérite de poser le dernier hôte des Nephila avant leur incarnation actuelle. Et à la fin du jeu, après toutes les cartes questions, les joueurs auront appris à placer leur personnage dans l'Histoire.

Cartes questions

Une carte question doit poser une question ouverte. Il doit être impossible de répondre par oui ou par non. Ce sont des questions avec "Qui ?", "Laquelle ?", "Quand ?", "Pourquoi ?", etc.

Les cartes question remplissent trois fonctions :

  • lier la Nephila à un point important de la campagne
  • lier le PJ à un autre PJ
  • lui faire regretter quelque chose, lui faire payer un coût, lui faire sentir sa condition de déchu.

Chaque carte doit remplir au moins deux de ces fonctions.

Par exemple

Laquelle d'entre-vous as tu aidé à sortir de stase ? À quelle époque ? Quel hôte as-tu choisi pour elle ?

est une carte qui lie deux PJs entre eux et présente la condition de déchu (stase).

Lorsque les légions romaines sont arrivées au sanctuaire de Carnac, comment as-tu aidé sa gardienne Mélusine à le défendre ? Qu'est-ce que ça t'a coûté ?

est une carte qui lie la Nephila à Mélusine et à Carnac et lui fait payer un coût.

Laquelle d'entre-vous t'as demandé ton aide pour le Projet Jésus, la création de cet être moitié humain moitié immortel ? Pourquoi as-tu refusé ?

est une carte qui lie deux PJs et introduit un point important de la campagne (la Kabbale).

Laquelle d'entre-vous as-tu libéré de l'esclavage des Templiers alors qu'elle était homoncule, incarnée de force dans un morceau de chair humaine flottant dans un bocal serti d'orichalque ?

est une carte qui remplie les trois fonctions : identifier le Temple comme ennemi, lier deux PJs et leur faire sentir leur condition de déchu.

Certaines cartes vont explicitement se référer aux époques identifiées. D'autres seront plus libres et pourront introduire d'autres époques en jeu. N'hésitez pas alors à ajouter la question subsidiaire "à quelle époque ?", soit à la carte elle-même soit lors du jeu.

Dans l'idéal, un jeu devra contenir entre 15 et 30 cartes questions, panachées entre les trois fonctions et celles qui sont liée à une période et celles qui sont générales. Pour information, mon tas de cartes questions pour le Souffle du Dragon comporte 10 cartes qui ne sont pas liées à une époque et 9 qui le sont.

Bonus : les cartes réutilisables pour toute campagne

Les cartes suivantes ne sont pas liée à une campagne spécifique et donc abordent différents points de la condition Nephilim. Vous voudrez sûrement les reprendre dans votre propre jeu de carte. 

  • Laquelle d'entre-vous as tu aidé à sortir stase ? À quelle époque ? Quel hôte as-tu choisi pour elle ?
  • Parmi tes hôtes humain, lequel as le plus marqué l'Histoire ? Quelle est sa plus grande réalisation ? Que regrettes-tu ?
  • Quelle est l'époque que tu regrettes le plus, même si l'Histoire ne s'est pas souvenue de ton hôte ? Qui étais-tu ? Pourquoi est-ce que ça s'est mal terminé ?
  • Quand est-ce que tu t'es le plus écarté de l'injonction de ton Arcane ? Pour qui as-tu fais ça ? Pourquoi est-ce que tu ne le regrettes pas ?
  • Quel est le plus grand sacrifice que tu as consenti pour l'une d'entre vous ?

Si dans votre campagne aussi le Temple est l'ennemi principal, vous pouvez sûrement reprendre les questions suivantes:

  • Tu étais folement amoureuse. Etais-ce un humain ou une Nephila ? Pourquoi les Templiers sont-ils la cause de votre séparation ?
  • Laquelle d'entre-vous as-tu libéré de l'esclavage des Templiers alors qu'elle était homoncule, incarnée de force dans un morceau de chair humaine flottant dans un bocal serti d'orichalque ?
  • Quand as-tu suivit le mieux l'injonction de ton Arcane ? Comment le Temple a-t-il réduit tes efforts à néant ?
  • Comment t'es-tu rendu compte que le Temple n'avait pas disparu avec le procès des Templiers ? Laquelle d'entre-vous a malheureusement refusé de te croire ?
  • Tu as participé à une apogée des arts et des sciences que le Temple a écrasé, massacrant nombre d'humains pour attraper quelques Nephiloth. Quand était-ce ? Comment est-ce que les profanes se souviennent de cette époque ?

dimanche 21 février 2021

Choisir, créer ou se faire créer son hôte ?

L'hôte humain dans lequel une Nephila s'incarne est un élément crucial de l'expérience de jeu. Cet hôte est l'interface par laquelle la Nephila et donc le joueur peut agir sur le monde contemporain et profane.

Ca m'est arrivé de mal amener les choses, si bien que le joueur ait cru que l'hôte était son personnage et que la Nephila n'était qu'un réservoir de souvenirs anciens et de capacités magiques sur-humaines. Il est en effet beaucoup plus facile d'interpréter un humain contemporain qu'une créature magique multi-millénaire.

Sans aller jusque là, il est possible que le joueur sur-investisse l'hôte humain qu'il a créé ou modelé aux besoins de sa Nephila. C'était un cas très courant lorsque je jouais à Nephilim. Le premier hôte était créé par le joueur et donc optimisé aussi bien dans ses compétences que dans son historique ou son mode de vie. Combien de Pyrims paramilitaires, d'ingénieurs du Chariot, de médecin de la Tempérance ou de Kabbalistes spécialiste en langues anciennes. C'était cohérent avec les mécanismes ludistes du système de jeu.

Le drame survient souvent à la mort d'hôte. Celle-ci est non prévue, le joueur ne peut pas choisir ou optimiser son nouvel hôte. Parfois, la situation impose un hôte détestable. La situation = la simulation. Hôte détestable = situation perdante. On est en pleine dissonance d'attentes créatives. Le contrat social est alors facilement rompu et le jeu tourne au vinaigre.

Alors, on fait comment ?

Déjà, on sort du paradigme ludiste : un hôte n'est pas meilleur qu'un autre, il ouvre d'autres potentiels d'histoire. Ensuite, on s'inspire du système de magie, on se repose sur les notions de souvenir, de symbole, et on sculpte une conversation pour partager la narration.

Création d'un hôte humain

Lorsqu'une Nephila est désincarnée, elle ne perçoit le monde qu'à travers ses sens magiques. Elle doit trouver refuge dans un hôte humain, ou au pire dans un objet crée de main humaine. La création de l'hôte se fait par une conversation codifiée entre la meneuse et le joueur.

La meneuse pose des questions préliminaires au joueur pour commencer à esquisser l’hôte potentiel d’un point de vue magique.
  • Comment est-ce que t’apparaît le Soleil de cet humain ? Quelle est la forme de ce Soleil ? Sa saveur ? Sa texture ?
  • Quel est l’élément le plus présent autour de cet humain ?
  • Quel symbole t’évoque cet humain ?

La meneuse décrit ensuite un souvenir de cet humain, un souvenir intime et précieux que la Nephila désincarnée perçoit de façon magique au contact du Soleil de l'humain.

La Nephila décide alors de prendre ou non cet humain pour hôte. Il se peut que plusieurs humains soient présents, et les questions ci-dessus peuvent être répétées et chacun de ces hôtes potentiels livrera un souvenir. Il se peut aussi que ces souvenirs rendent détestables les humains présents (d'un point de vue narratif) au point où le joueur va préférer que la Nephila trouve refuge dans un objet.

Une fois l'hôte décidé, la meneuse demande alors des précisions sur celui-ci:
  • Quel est l’événement historique qui a le plus marqué ton nouvel hôte ? Est-ce qu’il l’a concerné directement ? Est-ce que sa famille était impliquée ? Ou un lieu auquel il est attaché ?
  • Qu’est-ce que tu détestes dans la façon dont ton nouvel hôte menait sa vie ?
  • Il y a un point commun entre ton nouvel hôte et l’un de tes hôtes passés. Quel est-il ?

samedi 6 février 2021

La magie c'est la clef

En ce moment, la clé des nuages, est en précommande. C'est un jeu de kF qui se joue à deux. L'une des participants y joue un Mage qui explore des ruines à la poursuite d'une quête. L'autre participant est l'Image qui décrit des ruines et cherche à deviner la quête du Mage. Ce jeu m'a beaucoup marqué par son utilisation de la symbolique et par ça capacité à générer une magie merveilleuse plutôt qu'une magie technique. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de rationalisation de la magie, on ne sait pas pourquoi ou comment elle fonctionne, mais c'est toujours d'une façon symboliquement appropriée.

Je joue à la clé des nuages régulièrement depuis trois ans, mais ce n'est qu'il y a quelques jours que j'ai eu l'idée d'en adapter le système pour gérer la magie dans Nephiloth.

Ca fait un bon moment que je vous raconte que je n'ai plus envie de magie tactique, d'un sort qui se déclenche sur le pouce. Plus de boule de feu, ni d'invocation instantanée d'armure. Les sciences occultes sont des quêtes, pas des couteaux suisses. Quand elles servent, c'est après un rituel longuement préparé.
Une façon de rendre ce rituel c'est une sorte de mini-jeu en mode clé des nuages.

Structure de la conversation

Dans la clé des nuages, pas de mécanique de résolution. Tout tient dans la structuration de la conversation. Déjà, la première règle, c'est que le Mage grade sa quête secrète, n'explique pas pourquoi il réalise telle ou telle action. De même, l'Image n'explique pas pourquoi les ruines sont disposées comme ci ou comme ça. Les interventions de chacun sont des monologues, sans demande d'explication possible. Ce point est vraiment important pour que la magie reste merveilleuse.

La boucle élémentaire de conversation de la clé des nuages se structure ainsi :

  1. Image à Mage : "Qu'est-ce que tu t'attends à trouver ?" Sous-entendu "dans le prochain lieu".
  2. Le Mage fait une réponse courte, peu développée et abstraite. Par exemple "Une épreuve qui me permettra de prouver ma valeur."
  3. L'Image décrit le lieu, par rapport à la réponse du Mage, avec la contrainte d'insérer des symboles prédéterminés.
  4. L'Image à Mage : "Qu'est-ce que tu fais ?" Sous-entendu "dans ce lieu". 
  5. Le Mage décrit librement comment il agit dans ce lieu, narrant par exemple les effets de ses actions, y compris sa magie. Ainsi le Mage décide entre autre de la réussite ou de l'échec de son personnage. 
  6. Le Mage quitte ce lieu pour un autre, et la boucle recommence.

On remarque que l'objet de la conversation n'est pas la quête du Mage (sinon ça tuerai tout de suite le mystère) mais le lieu. La clé des nuages est un jeu d'exploration spatiale (=de lieu en lieu ≠ en scaphandre).

Nephiloth cherche à être un jeu d'exploration temporelle, ou plus exactement mémorielle. L'objet de la conversation sera donc un souvenir.

  1. MJ à la Nephila : "Qu'est-ce que tu t'attends à trouver ?" Sous-entendu "dans le souvenir".
  2. La Nephila fait une réponse courte, peu développée et abstraite. Par exemple "Une épreuve qui a permis de prouver sa valeur."
  3. Le MJ décrit le souvenir, par rapport à la réponse de la Neph, avec la contrainte d'insérer des symboles prédéterminés.
  4. MJ à la Nephila : "Qu'est-ce que tu fais ?" Sous-entendu "à partir ce souvenir".
  5. La Nephila décrit librement comment elle agit à partir de ce souvenir, narrant par exemple les effets de sa magie.
  6. On retourne au jeu normal (il n'y a pas de boucle).
 Les trois formes de magie de Nephiloth déclinent ce schéma :
  • L'enchantement a pour objet un souvenir de l'hôte humain, une étincelle d'inspiration sans laquelle il serait impossible pour une Nephila de créer de l'art. La question "Qu'est-ce que tu fais ?" est en fait "Quelle œuvre d'art crées-tu ?"
  • La kabbale a pour objet un souvenir des champs magiques, une étincelle de conscience sans laquelle il serait impossible pour une Nephila d'invoquer une créature. La question "Qu'est-ce que tu fais ?" est en fait "Quelle créature invoques-tu ?"
  • L'alchimie a pour objet un souvenir de la matière, une étincelle de magie sans laquelle il serait impossible pour une Nephila de transmuter la matière. La question "Qu'est-ce que tu fais ?" est en fait "Que transmutes-tu ?"

Pas besoin de discuter en avance ou en parallèle de ce que la Nephila veut accomplir avec son rituel. La magie peut fonctionner avec la logique interne merveilleuse qu'imagine la joueuse.

Symbolique interne et importée

Dans la clé des nuages, on décide au début de la partie 3 clés qui sont autant de symboles : une qui se réfère à la source de pouvoir du mage et deux qui qualifient les ruines. Ces symboles se retrouvent de lieu en lieu et donnent une unité à la quête du Mage.

Dans Nephiloth, la magie n'est qu'un sous-système. Il y a une bonne partie de la conversation qui est structurée d'une autre façon (échange MJ-joueuses classique d'un jeu d'enquête, sans système de résolution). La vie des symboles et des Nephiloth ne se limitent pas aux rituels magiques. Certains symboles seront importés de ce contexte général vers le système de magie. Le système de magie les chargera d'autres significations qui seront exportée pour nourrir le jeu principal et peut-être de futurs autres rituels. J'espère qu'il y aura des symboles récurrents d'un rituel à l'autre.

Il faudra que je fasse des essais, mais j'imagine un rituel décrit par la joueuse mettant en jeu un symbole lié à la Nephila et un symbole lié à l'intention du rituel. Le souvenir décrit par le MJ ferait intervenir ces deux symboles et un troisième qui viendra du contexte préparé par le MJ afin de donner une symbolique récurrente.

Exemple d'enchantement

Joueuse : Sytros le Satyre enlace la statue du vigneron qui trône sur la place du village et plonge ses yeux dans les siens, comme pour l'embrasser. C'est pour lancer un rituel d'enchantement lié à la danse. Mes symboles sont

  • L'amour charnel, lié à ma Nephila. 
  • La statue du vigneron (la vigne, le vin, ...) liée au rituel.

Le MJ : que t'attends-tu à trouver dans les souvenir de ton hôte ?

Joueuse : Le souvenir d'un premier baiser.

Le MJ, après réflexion : C'était quand ton hôte, Lucie, avait 14 ans. Elle était fille d'honneur pour le mariage de sa cousine. Le marié, avait un nom de chevalier à coucher dehors : Eudes de Castelnot. En cachette les ados avaient volé un cubi de rouge et quelques verre en plastique et avaient bu en cachette derrière la salle des fêtes. Vous étiez passablement éméchés, et tu t'es laissé embrassé par le petit frère du marié. Ce n'est pas allé plus loin, tu ne l'as pas revu, mais 30 ans plus tard tu te souviens toujours des fleurs de lys qui ornaient les boutons de son col détaché.
Mon symbole c'est la fleur de lys.
Quelle œuvre d'art crées-tu ?

Joueuse : Nourri par ce souvenir, je danse autour de la statue, jusqu'à ce que toute la place me regarde. Les clients en terrasse vident leurs verres, les rires fusent. Je fais quelques pirouettes, je me déhanche, je tape dans mes mains, des couples se lèvent et dansent sur le rythme d'une musique imaginaire. Les fenêtes aux étages s'ouvrent et les voisins tapent dans leur mains en rythme. Ce soir, tout le monde aura vu le vigneron danser avec moi, et sa légende va revivre dans leurs rêves.

Exemple de Kabbale

Joueuse : Chryptophea la Triton passe à la superette et achète un paquet de gros sel. Il remonte sur le mur du château, à l'ouest, là où la falaise plonge dans la rivière. Il troue le paquet de gros sel et trace un pentacle avec le sel qui s'écoule. Quand les derniers rayons du solel frappent le pentacle il entonne une prière. C'est un rituel de Kabbale, dont les symboles sont le soleil couchant (lié à mon intention) et le sel (lié à la Nephila).

MJ : Que t'attends-tu à trouver dans les souvenirs des champs magiques ?

Joueuse : Un désir de vengeance.

MJ : Tu vois une procession qui descend vers une plage battue par une mer en furie. A sa tête, un roi, tellement courbé par le chagrin que sa couronne tient à peine sur sa tête. Sa fille lui serre la main, autant pour se donner du courage que pour rassurer son père. Dans les dernières lueurs du jour, les prêtres enchaînent la princesse à un rocher, face à la mer. La procession s'éloigne. Un mugissement retentit. Quelque chose vient de la mer.
Mon symbole est la couronne. Quelle créature invoques-tu ?

Joueuse : J'appèlle l'Ebranleur de Sol, Celui qui régit les Murailles. C'est un vieillard au corps noueux, vêtu d'un pagne en écailles de poisson. Il regarde l'horizon où le soleil a totalement disparu et me fait signe de m'éloigner, ce que je fais à reculon, en m'inclinant régulièrement dans sa direction. Quand se suis descendu du chemin de ronde, je vois la créature poser sa main sur la muraille qui se couve de sel. La pierre s'éffrite et le pan de mur sur lequel j'ai tracé mon pentacle s'effrondre dans la rivière qui sera légèrement salée pendant quelques jours. Le vieillard a disparu.

Exemple d'Alchimie

Joueuse : Danae la Dryade tire de sa besace trois baies de gui qu'elle pose contre la vitrine qui contient le vase. Elle fait bien attention de les déposer à l'opposé de la chaise de la gardienne du musée, pour qu'elles lui soient cachées. C'est pour un rituel d'alchimie. Mes symboles sont le gui (issu d'un arbre et donc lié à la Dryade) et le verre (lié à mon intention).

MJ : Que t'attends-tu à trouver dans les souvenirs de la matière ?

Joueuse : une conversation.

MJ : C'était il y a quelques jours, le directeur du musée faisait faire le tour de l'exposition à un agent d'assurance. Sa serviette portait le logo de sa compagnie, un arbre dont les branchent nues sont parées de trois boules de gui. Ils parlent fort pour couvir le bruit d'un marteau piqueur de travaux tout proches. Le directeur vante la solidité de ses vitrines.
Mon symbole est le marteau.
Que transmutes-tu ?

Joueuse :  Je transmute la solidité de la vitre qui devient élastique comme les baies de gui, alors que l'une d'elles devient aussi dure qu'une bille de verre. Je reprend les deux baies restantes dans mon poing puis fais le tour de la vitrine pour cacher de mon corps le vase et sa vitrine. Ma main traverse la vitrine. Je dépose une baie dans le vase et une à son pied. Je me saisis du vase et le tire vers moi. Je n'ai qu'une baie dorée dans mon poing. La baie restante s'est transmutée en une copie du vase. Je me dépêche de mettre la baie dorée dans ma besace. A la prochaine vibration du marteau piqueur après que j'ai quitté la salle, ma besace s'alourdit du poids du vase. J'entends les cris de la gardienne alors que je dévalle les marches qui me séparent de la sortie du musée.