dimanche 24 novembre 2019

Test périlleux

Il y a déjà un mois, j'ai pu tester la dernière mouture de Nephiloth. Depuis le test précédent, j'avais découplé réussites et complications, réduit le nombre de rites, mis au point une nouvelle façon de tirer le tarot, et conçu une méthode de préparation de session. En plus, je m'étais donné l'objectif ambitieux de faire tenir en une séance une partie entière, création de personnages comprise.

Même si tout n'était pas idéal ni rodé, la partie n'a pas explosé en vol et il y a eu quelques moments sympas. Mais bien sûr, même si la création de personnages a été rapide, les 3 grosses heures de la séance n'ont pas suffi pour terminer la partie.

Création de personnages et interface avec la préparation

Pour résumer, j'avais une préparation centrée sur Lyon au 19e et j'ai imposé aux joueurs une incarnation commune à Lyon sous Napoléon Ier. On a tiré au hasard les arcanes majeurs : Hermite, Roue de Fortune et Monde. J'ai laissé les joueurs choisir leur archétype : Simurgh, Serpent et Ifrit.

J'ai tâtonné pour lier les personnages à la période commune. J'ai d'abord décrit la période de façon générale et profane, puis j'ai posé des questions orientées aux joueurs, mais elles étaient trop ouvertes et demandaient trop de connaissances sur l'époque pour que les joueurs puissent s'en saisir.

  • Hermite : Quelle vérité occulte as-tu réussi à dissimuler ?
  • Roue de Fortune : Quel rapport entre la cartographie des champs magiques et le tissage de la soie ?
  • Monde : Quelles factions occultes as-tu dressé l'une contre l'autre ?

Si c'était à refaire, je poserai des éléments plus précis avant de poser une question qui met les personnages en relation entre eux.

  • La Roue de Fortune se servait du tissage de la soie pour enregistrer l'entrelacement des champs magiques. Toi, Hermite, à qui as-tu dissimulé ce secret ? Comment ?
  • L'Hermite était parvenu à brouiller les symboles et les grades utilisés par les Francs-maçons pour qu'on ne sache plus s'ils étaient Templiers, Rose+Croix, Illuminés ou profanes. Toi le Monde, comment as-tu utilisé cette confusion pour dresser deux factions occultes l'une contre l'autre ?
  • Le Monde avait mis au centre du jeu occulte l'extension de la ville vers la Croix-Rousse et au delà du Rhône. Toi Roue de Fortune, comment as-tu laissé ta marque sur la disposition des champs magiques de ces territoires ?

Bien sûr, je n'ai pas fait comme ça, et je me suis retrouvé avec des intrigues pendantes propres à chaque personnage. Bien pour une campagne où on veut du matériel sur quoi s'appuyer, mais pas assez focalisé pour un one-shot. Ça s'est encore amplifié quand j'ai voulu demander à chacun ce qui le ramenait sur Lyon dans le présent. Chacun y est allé de son intrigue personnelle déconnectée des autres :

  • la Roue de Fortune sortait d'une tentative d'assassinat à Paris qui semblait commanditée par une faction qu'il avait connu à Lyon
  • l'Hermite venait chercher un artefact contenant un secret dans une exposition à Lyon
  • le Monde était sur la trace d'une faction qu'il pensait avoir détruite à l'époque mais qui refaisait surface

Du coup, j'ai passé une bonne partie de la séance à faire se rencontrer les PJs. En particulier, le joueur qui a effectué le rite d'Atlantis a gardé son personnage isolé de bout en bout. Il va vraiment falloir une meilleure méthode d'introduction.

Le rite d'Atlantis

Je l'avais conçu comme une version simplifiée des autres rites. Comme c'est le premier rite, celui qui démarre la session, je m'étais dit qu'il jouerait le rôle de tutoriel. En plus j'avais conçu ce rite pour qu'il génère obligatoirement des complications.

En pratique, le rite n'a rempli aucun de ces objectifs. Le rite pose trop de questions ouvertes au joueur, c'est intimidant. Seule une toute petite partie de ce que je joueur apprend dans ce tutoriel est réutilisable dans les rites suivants. Et les tables de complications se sont avérées très mal adaptées à une introduction.

Les joueurs m'ont suggéré de transformer ce rite en un tirage de tarot par le MJ qui définit la situation initiale de façon globale. C'est au MJ d'interpréter les cartes, mais il le fait de façon ouverte pour apprendre à tout le monde comment faire. À creuser.

Les complications

Elles sont peu entrées en jeu, mais j'ai eu à chaque fois du mal à utiliser le système. Je pense que ça ne correspond pas à ma manière de maîtriser. J'ai du mal à insérer immédiatement une complication et ce système ne m'aide pas particulièrement. C'est un problème profond et je vais devoir m'y intéresser sérieusement.

Le système de résolution de rites

Ça ça marche ! Les joueurs ont trouvé ça cool, riche, et n'ont pas exprimé de frustration. Je pense que je tiens quelque chose.

Les symboles

L'économie des symboles a très bien fonctionné. La résolution de rites a plusieurs fois demandé l'introduction de nouveaux symboles. J'ai juste eu à piocher dans la liste de symboles préparée lors de la création du caneva. Un bon point pour ma méthode de préparation.

Les joueurs ont commencé à utiliser et réutiliser les symboles déjà en jeu afin d'obtenir des réussites symboliques. Ça a commencé à donner une cohérence à l'histoire. Il faudrait une partie plus longue pour voir si ce système donne bien un sens hyper cohérent à l'histoire.

Le choix du rite

C'est vraiment le point qui m'a le plus surpris. Ce n'était pas un rouage du système mal conçu, ou qui manque, mais un mécanisme que j'ai conçu avec une certaine intention d'utilisation et qui en fait marche mieux si on l'utilise autrement.

Pour mémoire un rite se déclenche et doit être résolu lorsque la situation dans la fiction correspond aux circonstances prévues par le rite. Il y a donc forcément une lecture de la situation. Et une situation peut être lues de plusieurs façons différentes.

En pratique, deux personnages sont arrivés aux alentours d'une église abandonnée, taguée avec des panneaux qui les prévennaient d'un danger d'effondrement. Moi MJ, je n'avais pas prévu de danger particulier dans cette église, ces panneaux n'étaient là que pour éloigner les profanes. Il me semblait logique de déclencher un rite d'enquête. Mais du point de vue des joueurs, ils arrivaient dans un lieu dangereux et voulaient décrire les précautions que prenaient leurs personnages. Pour eux il fallait donc déclencher un rite périlleux.

Comment trancher entre ces deux lectures ? À tête reposée, c'est évident. Il faut regarder comment agissent les PJs et non sa préparation. Ils agissaient avec prudence, comme si le lieu était périlleux, c'est donc un rite périlleux.

Bien sûr, ce n'est pas ce que j'ai choisi de faire sur le moment et il y a eu malaise. Pour ma défense, je me suis focalisé sur un point technique : la carte face visible en haut du tas d'épée était une figure. Ça veut dire que tout rite d'enquête était forcément un échec, sauf si on dépense un précieux arcane majeur. Il était donc dans l'intérêt des joueurs d'intercaler un autre rite avant de déclencher un rite d'enquête. Je pensais donc que les joueurs agissaient non en fonction de la fiction mais en fonction de ce point technique. Quand bien même, ils avaient raison de jouer avec le système.

Bref, je me suis planté, mais j'ai beaucoup appris sur mon propre système. Grâce aux remarques des joueurs, je vois une toute autre lecture des règles et de la façon dont j'aurais pu les interpréter. Oui, les joueurs ont le pouvoir de décréter qu'un lieu est dangereux alors que ce n'est pas ce qu'envisageait le MJ. Ça aurait été beaucoup plus fertile.

Comme on a terminé plus ou moins à ce moment là, j'envisage de faire rejouer l'entrée dans l'église avec cette perspective.