samedi 6 février 2021

La magie c'est la clef

En ce moment, la clé des nuages, est en précommande. C'est un jeu de kF qui se joue à deux. L'une des participants y joue un Mage qui explore des ruines à la poursuite d'une quête. L'autre participant est l'Image qui décrit des ruines et cherche à deviner la quête du Mage. Ce jeu m'a beaucoup marqué par son utilisation de la symbolique et par ça capacité à générer une magie merveilleuse plutôt qu'une magie technique. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de rationalisation de la magie, on ne sait pas pourquoi ou comment elle fonctionne, mais c'est toujours d'une façon symboliquement appropriée.

Je joue à la clé des nuages régulièrement depuis trois ans, mais ce n'est qu'il y a quelques jours que j'ai eu l'idée d'en adapter le système pour gérer la magie dans Nephiloth.

Ca fait un bon moment que je vous raconte que je n'ai plus envie de magie tactique, d'un sort qui se déclenche sur le pouce. Plus de boule de feu, ni d'invocation instantanée d'armure. Les sciences occultes sont des quêtes, pas des couteaux suisses. Quand elles servent, c'est après un rituel longuement préparé.
Une façon de rendre ce rituel c'est une sorte de mini-jeu en mode clé des nuages.

Structure de la conversation

Dans la clé des nuages, pas de mécanique de résolution. Tout tient dans la structuration de la conversation. Déjà, la première règle, c'est que le Mage grade sa quête secrète, n'explique pas pourquoi il réalise telle ou telle action. De même, l'Image n'explique pas pourquoi les ruines sont disposées comme ci ou comme ça. Les interventions de chacun sont des monologues, sans demande d'explication possible. Ce point est vraiment important pour que la magie reste merveilleuse.

La boucle élémentaire de conversation de la clé des nuages se structure ainsi :

  1. Image à Mage : "Qu'est-ce que tu t'attends à trouver ?" Sous-entendu "dans le prochain lieu".
  2. Le Mage fait une réponse courte, peu développée et abstraite. Par exemple "Une épreuve qui me permettra de prouver ma valeur."
  3. L'Image décrit le lieu, par rapport à la réponse du Mage, avec la contrainte d'insérer des symboles prédéterminés.
  4. L'Image à Mage : "Qu'est-ce que tu fais ?" Sous-entendu "dans ce lieu". 
  5. Le Mage décrit librement comment il agit dans ce lieu, narrant par exemple les effets de ses actions, y compris sa magie. Ainsi le Mage décide entre autre de la réussite ou de l'échec de son personnage. 
  6. Le Mage quitte ce lieu pour un autre, et la boucle recommence.

On remarque que l'objet de la conversation n'est pas la quête du Mage (sinon ça tuerai tout de suite le mystère) mais le lieu. La clé des nuages est un jeu d'exploration spatiale (=de lieu en lieu ≠ en scaphandre).

Nephiloth cherche à être un jeu d'exploration temporelle, ou plus exactement mémorielle. L'objet de la conversation sera donc un souvenir.

  1. MJ à la Nephila : "Qu'est-ce que tu t'attends à trouver ?" Sous-entendu "dans le souvenir".
  2. La Nephila fait une réponse courte, peu développée et abstraite. Par exemple "Une épreuve qui a permis de prouver sa valeur."
  3. Le MJ décrit le souvenir, par rapport à la réponse de la Neph, avec la contrainte d'insérer des symboles prédéterminés.
  4. MJ à la Nephila : "Qu'est-ce que tu fais ?" Sous-entendu "à partir ce souvenir".
  5. La Nephila décrit librement comment elle agit à partir de ce souvenir, narrant par exemple les effets de sa magie.
  6. On retourne au jeu normal (il n'y a pas de boucle).
 Les trois formes de magie de Nephiloth déclinent ce schéma :
  • L'enchantement a pour objet un souvenir de l'hôte humain, une étincelle d'inspiration sans laquelle il serait impossible pour une Nephila de créer de l'art. La question "Qu'est-ce que tu fais ?" est en fait "Quelle œuvre d'art crées-tu ?"
  • La kabbale a pour objet un souvenir des champs magiques, une étincelle de conscience sans laquelle il serait impossible pour une Nephila d'invoquer une créature. La question "Qu'est-ce que tu fais ?" est en fait "Quelle créature invoques-tu ?"
  • L'alchimie a pour objet un souvenir de la matière, une étincelle de magie sans laquelle il serait impossible pour une Nephila de transmuter la matière. La question "Qu'est-ce que tu fais ?" est en fait "Que transmutes-tu ?"

Pas besoin de discuter en avance ou en parallèle de ce que la Nephila veut accomplir avec son rituel. La magie peut fonctionner avec la logique interne merveilleuse qu'imagine la joueuse.

Symbolique interne et importée

Dans la clé des nuages, on décide au début de la partie 3 clés qui sont autant de symboles : une qui se réfère à la source de pouvoir du mage et deux qui qualifient les ruines. Ces symboles se retrouvent de lieu en lieu et donnent une unité à la quête du Mage.

Dans Nephiloth, la magie n'est qu'un sous-système. Il y a une bonne partie de la conversation qui est structurée d'une autre façon (échange MJ-joueuses classique d'un jeu d'enquête, sans système de résolution). La vie des symboles et des Nephiloth ne se limitent pas aux rituels magiques. Certains symboles seront importés de ce contexte général vers le système de magie. Le système de magie les chargera d'autres significations qui seront exportée pour nourrir le jeu principal et peut-être de futurs autres rituels. J'espère qu'il y aura des symboles récurrents d'un rituel à l'autre.

Il faudra que je fasse des essais, mais j'imagine un rituel décrit par la joueuse mettant en jeu un symbole lié à la Nephila et un symbole lié à l'intention du rituel. Le souvenir décrit par le MJ ferait intervenir ces deux symboles et un troisième qui viendra du contexte préparé par le MJ afin de donner une symbolique récurrente.

Exemple d'enchantement

Joueuse : Sytros le Satyre enlace la statue du vigneron qui trône sur la place du village et plonge ses yeux dans les siens, comme pour l'embrasser. C'est pour lancer un rituel d'enchantement lié à la danse. Mes symboles sont

  • L'amour charnel, lié à ma Nephila. 
  • La statue du vigneron (la vigne, le vin, ...) liée au rituel.

Le MJ : que t'attends-tu à trouver dans les souvenir de ton hôte ?

Joueuse : Le souvenir d'un premier baiser.

Le MJ, après réflexion : C'était quand ton hôte, Lucie, avait 14 ans. Elle était fille d'honneur pour le mariage de sa cousine. Le marié, avait un nom de chevalier à coucher dehors : Eudes de Castelnot. En cachette les ados avaient volé un cubi de rouge et quelques verre en plastique et avaient bu en cachette derrière la salle des fêtes. Vous étiez passablement éméchés, et tu t'es laissé embrassé par le petit frère du marié. Ce n'est pas allé plus loin, tu ne l'as pas revu, mais 30 ans plus tard tu te souviens toujours des fleurs de lys qui ornaient les boutons de son col détaché.
Mon symbole c'est la fleur de lys.
Quelle œuvre d'art crées-tu ?

Joueuse : Nourri par ce souvenir, je danse autour de la statue, jusqu'à ce que toute la place me regarde. Les clients en terrasse vident leurs verres, les rires fusent. Je fais quelques pirouettes, je me déhanche, je tape dans mes mains, des couples se lèvent et dansent sur le rythme d'une musique imaginaire. Les fenêtes aux étages s'ouvrent et les voisins tapent dans leur mains en rythme. Ce soir, tout le monde aura vu le vigneron danser avec moi, et sa légende va revivre dans leurs rêves.

Exemple de Kabbale

Joueuse : Chryptophea la Triton passe à la superette et achète un paquet de gros sel. Il remonte sur le mur du château, à l'ouest, là où la falaise plonge dans la rivière. Il troue le paquet de gros sel et trace un pentacle avec le sel qui s'écoule. Quand les derniers rayons du solel frappent le pentacle il entonne une prière. C'est un rituel de Kabbale, dont les symboles sont le soleil couchant (lié à mon intention) et le sel (lié à la Nephila).

MJ : Que t'attends-tu à trouver dans les souvenirs des champs magiques ?

Joueuse : Un désir de vengeance.

MJ : Tu vois une procession qui descend vers une plage battue par une mer en furie. A sa tête, un roi, tellement courbé par le chagrin que sa couronne tient à peine sur sa tête. Sa fille lui serre la main, autant pour se donner du courage que pour rassurer son père. Dans les dernières lueurs du jour, les prêtres enchaînent la princesse à un rocher, face à la mer. La procession s'éloigne. Un mugissement retentit. Quelque chose vient de la mer.
Mon symbole est la couronne. Quelle créature invoques-tu ?

Joueuse : J'appèlle l'Ebranleur de Sol, Celui qui régit les Murailles. C'est un vieillard au corps noueux, vêtu d'un pagne en écailles de poisson. Il regarde l'horizon où le soleil a totalement disparu et me fait signe de m'éloigner, ce que je fais à reculon, en m'inclinant régulièrement dans sa direction. Quand se suis descendu du chemin de ronde, je vois la créature poser sa main sur la muraille qui se couve de sel. La pierre s'éffrite et le pan de mur sur lequel j'ai tracé mon pentacle s'effrondre dans la rivière qui sera légèrement salée pendant quelques jours. Le vieillard a disparu.

Exemple d'Alchimie

Joueuse : Danae la Dryade tire de sa besace trois baies de gui qu'elle pose contre la vitrine qui contient le vase. Elle fait bien attention de les déposer à l'opposé de la chaise de la gardienne du musée, pour qu'elles lui soient cachées. C'est pour un rituel d'alchimie. Mes symboles sont le gui (issu d'un arbre et donc lié à la Dryade) et le verre (lié à mon intention).

MJ : Que t'attends-tu à trouver dans les souvenirs de la matière ?

Joueuse : une conversation.

MJ : C'était il y a quelques jours, le directeur du musée faisait faire le tour de l'exposition à un agent d'assurance. Sa serviette portait le logo de sa compagnie, un arbre dont les branchent nues sont parées de trois boules de gui. Ils parlent fort pour couvir le bruit d'un marteau piqueur de travaux tout proches. Le directeur vante la solidité de ses vitrines.
Mon symbole est le marteau.
Que transmutes-tu ?

Joueuse :  Je transmute la solidité de la vitre qui devient élastique comme les baies de gui, alors que l'une d'elles devient aussi dure qu'une bille de verre. Je reprend les deux baies restantes dans mon poing puis fais le tour de la vitrine pour cacher de mon corps le vase et sa vitrine. Ma main traverse la vitrine. Je dépose une baie dans le vase et une à son pied. Je me saisis du vase et le tire vers moi. Je n'ai qu'une baie dorée dans mon poing. La baie restante s'est transmutée en une copie du vase. Je me dépêche de mettre la baie dorée dans ma besace. A la prochaine vibration du marteau piqueur après que j'ai quitté la salle, ma besace s'alourdit du poids du vase. J'entends les cris de la gardienne alors que je dévalle les marches qui me séparent de la sortie du musée.

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