vendredi 1 mai 2020

Arbres décisionels, Identifier une faction

Mon problème présent: mettre au point une méthode pour que quelqu'un qui n'a jamais joué à Nephilim, qui ne s'est pas tapé 300(0) pages de background, puisse prendre un contexte du monde réel et historique pour en tirer des acteurs occultes qui soient dans le canon de Nephiloth.

Comment arriver à donner une méthode au MJ jusqu'à ce qu'il se soit forgé son intuition ? Comment aider sa décision en la réduisant à quelques choix simples ?

J'ai l'impression que c'est une question assez spécifique qui demande un outil autre que des tables aléatoires. Je ne me pose pas la question "qu'est-ce que je vais pouvoir bien inventer ?" mais "étant donné le contexte historique, quels devraient être les acteurs présents ?"

L'aide à la prise de décision est une science. Son historique suivant Wikipedia commence ainsi:
L'aide à la décision reposait autrefois sur l'expérience individuelle, le savoir, l'expérience des conseillers des décideurs, ainsi que sur l'analyse historique. L'opinion et la subjectivité avaient une grande importance.
J'ai l'impression qu'on décrit là le proverbial "bon MJ" d'un jeu car il a de l'expérience et de l'intuition. Ce qui veut dire qu'au début c'était un mauvais MJ, et puis il a appris de ses erreurs où qu'il a réussi à comprendre à force d'exemples ce qu'il fallait faire. Essayons d'adoucir la courbe d'apprentissage en l'aidant le plus possible avec une méthode.

Arbre de décision


L'une des méthodes les plus simples d'aide à la décision c'est l'arbre de décision. Plutôt que de présenter le problème complet, on le divise en une série de questions simples. Chaque réponse fait progresser dans l'arbre vers une nouvelle question jusqu'à finalement aboutir à une décision. Le point clé de la conception d'un arbre de décision efficace c'est le choix des questions et de leur ordre pour rendre chaque choix facile.

Mon premier essai a été de partir du centre d'intérêt principal de la faction. C'est assez logique dans le contexte d'une création collective de cadre puisque les joueuses vont poser des questions comme
Quel acteur occulte se cachait derrière ceux que j’ai combattu ?
Quel acteur occulte m’a aidé ? A quel prix ?
Quel acteur occulte ai-je aidé sans le vouloir ?
Le but du personnage, son centre d'intérêt, aura alors été bien identifié. L'acteur occulte aura alors le même intérêt où un intérêt connexe, ce qui permettra de répondre à la première question.
Première ébauche d'arbre de décision pour sélectionner une faction en fonction de ces centres d'intérêt.
Ma première ébauche dans cette voie m'a fait comprendre un autre défaut des arbres de décision : la largeur de l'arbre augmente exponentiellement avec le nombre de niveaux questions. Ici, j'ai 5 niveaux questions et même si je n'ai pas rempli toutes les branches on voit tout de suite que l'arbre promet d'être tentaculaire. Pourtant c'est le nombre minimal de niveaux questions nécessaires si je veux pouvoir caser 4 arcanes mineurs et 22 arcanes majeurs dans mes réponses possibles.

Clairement, je m'attaque d'un coup à un problème trop complexe. Essayons de revenir à un éventail de choix plus restreints : les 4 arcanes mineurs.

Là, je m'aperçois que les arcanes mineurs ont beaucoup évolué suivant les époques. Jusque là, j'ai décris les arcanes mineurs au présent. Est-ce que je peux faire converger avec les mêmes questions sur la secte néo-païenne, sur la grand prêtresse d'Isis du temple de Thèbes ou sur une meute de Glaives Prométhéens pendant les guerres élémentaires ?

Je met donc une question sur l'époque en premier.
A cette époque, les humains
  • Sont soumis, guidés ou révoltés contre les Neph
  • Acceptent la présence des Neph à leurs côtés comme dieux ou héros.
  • Sont divisés entre les initiés et les profanes qui croient aux miracles.
  • Pensent avoir quitté l'âge du merveilleux, des légendes et des superstitions, mais certains savent.
Quelqu'un qui connaît Nephilim reconnaîtra les divisions entre guerre élémentaires, grand compromis, hermétisme et guerres secrètes.

La question suivante, c'est comment se manifeste la faction à cette époque. Dans les époques les plus récentes (guerre secrète ou hermétisme) on parle de couvertures ou de manifestation d'une réalité cachée. Plus tôt, pendant les compromis ou les guerres élémentaires, la réalité magique du monde est beaucoup moins cachée, elle a été occultée a posteriori et on ne retrouve la trace des factions occultes qu'à travers des mythes.

Comme je n'ai pas envie de multiplier les niveaux de question, deuxième essai :


Arbre de décision pour sélectionner une faction suivant son apparence suivant le type d'époque.
Là, j'ai réussi à tracer tout l'arbre. J'aurai même aimé ajouter plus de possibilités dans les boîtes qui précèdent directement les arcanes mineurs.

D'ailleurs en regardant bien cet arbre droit dans les yeux, on se rend compte qu'avec juste deux niveaux de questions, et en formulant correctement le deuxième niveau pour avoir une question qui s'applique à toutes les époques, on peut se ramener à un tableau.

Ordre des questions


Est-ce que pourtant un tableau est plus intéressant qu'un arbre, même dans ce cas simple ? Dans un tableau à double entrée, les deux entrées sont équivalentes. Prenez le choix de l'archétype qui justement se présente comme un tableau à double entrée. Est-ce qu'on veut choisir l'élément en premier ou l'humeur en premier ? Est-ce qu'on veut juste parcourir la table ? Peu importe.

Par contre, dans un arbre, les questions se succèdent. La réponse à la première question conditionne les réponses suivantes. C'est vrai du point de vue du concepteur qui peut ainsi varier la seconde question posée en fonction de la première. Mais même quand la second question est identique dans tous les cas, le contexte a changé du point de vue de l'utilisateur. J'ai déjà décidé que les humains pensent avoir quitté l'âge des légendes, donc quand on me demande les manifestations de ma faction, je ne penserai pas à une grande prêtresse qui fait des miracles.

Cette importance de l'ordre des questions est une grande leçon de design de For the Queen. Dans ce jeu, on y tire des questions au hasard, sans aucune préparation. Les personnages, inexistants au départ, se définissent petit à petit à partir des réponses à ces questions. La première question est donc particulièrement déterminante, définissant un contexte pour les questions suivantes. De partie en partie, la même question peut apparaître tôt ou tard dans la partie avec des conséquences complètement différentes sur le personnage : fondation, détail mineur ou coup de théâtre.

Mais Nephiloth n'est pas For the Queen. L'intérêt du jeu n'est pas de créer à partir de rien, mais au contraire de créer à partir de lignes directrices qui correspondent au canon du jeu. Donc, il faut diriger un peu. Il faut penser à l'ordre dans lequel le participant va se poser les questions pour guider son chemin mental. Une fois ce chemin balisé et creusé, l'intuition sera forgée et l'arbre ne sera plus (forcément) nécessaire.

Présentation


Est-ce qu'il faut pour autant présenter l'arbre par un dessin arborescent comme ci-dessus ? La structure d'arbre peut aussi être transcrite dans un texte mis en forme grâce à différents niveaux de titres ou à des listes imbriquées. L'avantage c'est qu'on a plus de place pour préciser sa pensée ou donner des exemples supplémentaires.
A cette époque, les humains:
  1. Sont soumis, guidés ou révoltés contre les Neph.
    Que faisait la faction à l'époque ?
    • Épée : Pourchassait les Neph armés d'orichalque.
    • Bâton : Régnait sur les humains.
    • Coupe : Enseignait aux humains.
    • Denier : Posait les bases de la civilisation.
  2. Acceptent la présence des Neph à leurs côtés comme dieux ou héros.
    Par quels mythes l'activité de la faction à l'époque a été cachée ?
    • Épée : Un oracle. Des sacrifices aux dieux. Des bacchanales. Un culte à mystères.
    • Bâton : Une guerre. Une conquête. La destruction d'un temple.
    • Coupe : Un stratagème. Une ruse. Une trahison.
    • Denier : Une construction démesurée. Une invention révélée en rêve. Une loi divine.
  3. Sont divisés entre les initiés et les profanes qui croient aux miracles.
    Quelle était l'apparence profane de la faction ?
    • Épée : Une religion polythéiste. Un culte païen.
    • Bâton : Un ordre religieux ou militaire. Un appel à la guerre sainte.
    • Coupe : Une philosophie. Une religion mystique.
    • Denier : Une technique nouvelle. Une guilde d'artisans.
  4. Pensent avoir quitté l'âge du merveilleux, des légendes et des superstitions, mais certains savent.
    Quelle était la couverture la faction ?
    • Épée : Une secte. Un engouement pour un passé antique.
    • Bâton : La colonisation. La noblesse. L'armée.
    • Coupe : L'humanisme. Les Lumières. L'ésotérisme.
    • Denier : Le rationalisme. La finance. L'industrialisation.

Si on garde peu de niveaux de questions (deux comme ici, maximum trois), la structure en arbre reste très lisible et bien plus compact que le dessin avec des boîtes et des branches, tout en permettant plus de mots. Par contre, quand on est encore en train d'organiser ses idées, on peut aimer les voir représentées sous forme graphique.

Et c'est maintenant que je me rend compte que le Solitaire de Mobile Frame Zero: Firebrand est un arbre à deux niveaux.

Éviter les arbres à trop de niveaux

On l'a vu, les arbres qui comportent plus de 2 ou 3 niveaux de question deviennent rapidement illisibles et trop complexes. Mieux vaut donc se limiter, cacher les plus hauts niveaux de l'arbre dans des choix plus généraux ou accomplis par un autre participant.

Ainsi, je pourrais construire un arbre pour décider des factions occultes, un arbre pour décider des artefacts et un arbre pour décider des lieux chargés. Et ça deviendrait un peu indigeste si je regroupais ces trois arbres en un super-arbre par la question "Qu'est-ce que tu cherches à identifier ? Une faction, un objet ou un lieu ?".

Cacher ce niveau supérieur, c'est poser la question et renvoyer à une page ou un encart distinct pour chaque réponse possible. "Une faction ? Voir page 4. Un objet ? Voir l'encart page 18."

De façon plus intéressante, cette question peut être répondue par un autre participant. Proposons par exemple à une joueuse cette liste de questions possible à poser au MJ pour éclairer l'une de ses incarnations passées:
  • Quel acteur occulte se cachait derrière ceux que j’ai combattu ?
  • Quel acteur occulte m’a aidé ? A quel prix ?
  • Quel acteur occulte ai-je aidé sans le vouloir ?
  • En quoi le lieu qui me servait de refuge était magique ?
  • En quoi le lieu que je recherchais était magique ?
  • En quoi le lieu que j’ai défendu était magique ?
  • Quelle est la nature magique d’un artefact que j’ai créé ou récupéré ?
  • Quelle est la nature magique de l’objet qui a été détruit ou perdu ?
  • Quelle est la nature magique de la ressource que tous recherchent ?

En choisissant dans cette liste la question Quel acteur occulte ai-je aidé sans le vouloir ? la joueuse désigne sans le savoir au MJ l'arbre d'identification des factions.

Ainsi les différences structures de décision (liste, table, arbre) peuvent se compléter et structurer les interactions des participants.

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