dimanche 31 mars 2019

Economie et Symboles

Jusqu'ici, l'économie de Nephiloth était simple. Il y avait une seule monnaie, les points de Ka. Conceptuellement, ce sont des jetons, interchangeables. Les points étaient stockés dans une réserve commune et pouvaient être dépensés par n'importe quel joueur. On avait deux points par joueur en début de partie. L'utilisation du corpus permettait de gagner des points en plus. On en dépensait un pour relancer un jet ou 1 à 3 pour déclencher son pouvoir d'arcane majeur.

Mais arrivent les lames de tarot. Elles ont une valeur et servent à gérer l'aléatoire. Mais une carte peut être conservée et donc servir de jeton. D'où l'idée de remplacer la réserve de points de Ka par une main de cartes. Cette main commune commence en début de partie avec les lames des arcanes majeurs des PJs. L'utilisation du corpus permet de tirer des lames en plus à partir de la pioche des arcanes majeurs. Dépenser une carte de sa main permet de réussir un tirage. Cependant une lame de tarot n'est pas qu'un jeton. Elle a une symbolique et il semble donc naturel d'imposer l'utilisation de cette symbolique lors de la narration du succès.

Et voilà comment les symboles s'invitent de nouveau dans Nephiloth.

Et c'est bien normal, car Nephilim était un jeu qui jouait beaucoup sur la symbolique. Je suis presque honteux d'avoir oublié cet aspect jusqu'à maintenant.

Jeux symbolistes


Mais au delà d'un jeu qui joue sur la symbolique, peut-on faire de Nephiloth un jeu symboliste ? Pour moi, la référence de ce type de jeu est la clef des nuages de Félix "kF". C'est une notion qu'il a beaucoup développé sur son blog et dernièrement un podcast de Radio Roliste lui a été consacré. Au risque de froisser les spécialistes, je ne retiendrais qu'un principe : si on impose des symboles récurrents dans la narration, alors chacun va prendre un sens nouveau, propre aux joueurs, à l'histoire qui se développe et aux réseau des autres symboles mis en jeu. Ce réseau de symboles devient une sorte de langage émergent qui permet d'exprimer plus que les faits énoncés. Peut-être que ça tend vers la poésie.

La clef des nuages se joue à deux. En début de partie, un joueur choisit un symbole, l'autre deux symboles. Dans la première scène, les trois symboles doivent être présents. A chaque scène ultérieure, au moins un des trois symboles doit réapparaître. Il n'y a pas de mécanique où ces symboles comptent. Ils sont simplement une contrainte narrative. Mais grâce à leur présence récurrente, l'histoire gagne en cohérence.

D'autres jeux suggèrent ou encouragent ce fonctionnement par symboles. Par exemple Swords without Master demande aux joueurs d'inscrire des "motifs" lorsqu'une image leur plaît particulièrement dans une scène. Par exemple "La lune tel un œil rouge en colère s’ouvrant au-dessus des eaux". Les motifs se notent pas trois. Quand une série de trois motifs est terminée, on commence la série suivante, avec la contrainte qu'au moins un des nouveaux motifs doit reprendre un motif du trio précédant. Pour filer l'exemple : "Émergé, tel un crocodile, hors de l’eau". Les motifs rythment la partie, puisque la complétion du troisième trio de motifs enclenche l'épilogue. Lors de cet épilogue, les motifs sont réutilisés pour évoquer le destin des personnages.

Symboles comme deuxième monnaie

J'avais tout de même déjà parlé de symboles pour Nephiloth, mais c'était juste pour en faire une étape de l'enquête, l'équivalent des rumeurs dans Magistrats et Manigances. J'avais imaginé qu'on puisse obtenir un symbole par le rite de Rome ou en exploitant le corpus documentaire. Le symbole obtenu de cette façon est une information, quelque chose de flou qui sera peut-être pris en note par le joueur. Toujours en suivant M&M, j'avais imaginé qu'on puisse transformer un symbole en une piste solide si on choisissait les bonnes options de certains rites. Je relis la formulation actuelle des rites et toutes ces idées ont pratiquement disparues.

Là, j'ai envie de réintroduire les symboles comme deuxième monnaie du jeu. Oui, on peut extraire des symboles du corpus documentaire (à voir comment ça s'articule avec le tirage d'arcane majeur). Oui, le MJ met un nouveau symbole en jeu à chaque utilisation du rite de Rome, deux si on choisit la bonne option. Mais les symboles ne sont plus des pistes ni des informations. Un symbole n'a pas de signification fixe, que des interprétations. Les symboles sont des motifs appelés à devenir récurrents dans la narration afin de structurer l'histoire.

Quand un symbole est mis en jeu, on le note à un endroit visible de tous. La première fois qu'un joueur utilise un symbole dans sa narration, on fait une coche à côté du symbole. Après la deuxième coche (quand au moins deux joueurs ont utilisé ce symbole), on dit que le symbole est "chargé". Utiliser un symbole chargé dans sa narration apporte des bonus mécaniques. Par exemple un rite dont la narration utilise un symbole chargé aura une réussite supplémentaire ou une carte de plus à tirer. Les pouvoirs d'arcanes demandent des narrations faisant intervenir 1, 2 ou 3 symboles chargés (au lieu de points de Ka).

Personne n'a à juger de la pertinence de l'introduction de tel ou tel symbole dans la narration d'un autre joueur. Les autres participants confirment juste que N symboles ont bien été utilisés.

J'ai introduits dans les rites de base trois réussites supplémentaires dites "réussites symboliques". Elles ne sont accessibles que si un symbole chargé a été utilisé lors de la narration qui déclenche le rite et la narration de la réussite doit être teintée par ce symbole. Ces réussites symboliques ont une connotation magique. La Nephila a mobilisé des symboles pour obtenir un effet surnaturel. D'ailleurs toute mise en œuvre de symboles est une forme de magie. Ca sera peut-être même la seule forme de magie de ce jeu finalement.

Mais je m'égare. Je parlais d'économie de jeu. Est-ce que les symboles tels que je les décris peuvent être une monnaie valide ? Est-ce que le paradigme du jeu symboliste - faire se répéter des symboles pour toujours les réinterpréter - peut s'adosser à une monnaie d'échange qui se crée et se dépense et est donc impermanente par nature ?

Le corpus et certaines manœuvres matérialisent des symboles en jeu. La narration les charge. L'utilisation magique des symboles les décharges. Est-ce que les symboles déchargés restent sur la table pour être réutilisés ?
  • Oui, dit le symboliste, les symboles doivent pouvoir être rappelés et réinterprétés.
  • Non, interjette l'économiste qui s'inquiète de voir le nombre d'unités monétaires en jeu augmenter perpétuellement. Ca va être trop facile d'accumuler 3 symboles chargés à dépenser pour déclencher les pouvoirs d'arcane les plus puissants !
  • Moui, marmonne le concepteur, il y a quand même un facteur limitant de taille : il faut recharger un symbole avant de le décharger. Ce qui est important ce n'est pas le nombre de symboles en jeu, c'est le nombre de symboles chargés. Et charger un symbole ça demande que deux PJs le réintègrent à leur narration. 
  • Du coup il y a toujours un effort à fournir, ce n'est pas de l'argent magique, se réjouit l'économiste.
  • Mais, s'inquiète le symboliste, ça veut dire qu'il y aura potentiellement en jeu de nombreux des symboles qui ne seront pas chargés, ou juste une fois.
  • Et donc il va falloir garder la trace de ces pelletées de symboles, grommelle le concepteur. Misère, comment je vais gérer ça ! Et la mémoire d'une partie sur l'autre. Ha misère !

Gestion pratique des symboles

Alors, commençons par la mémoire d'une partie sur l'autre. Se souvenir de tout n'est ni pratique ni raccord avec la mémoire-passoire des Nephiloth. Déjà, je propose qu'on ne se souvienne pas de l'état (chargé ou déchargé) des symboles. De plus, autant garder seulement ce qui nous a marqué. Du coup on peut dire qu'en fin de partie, chaque joueur choisi un symbole qui a particulièrement marqué son personnage pendant cette partie et le note sur sa fiche. Ce symbole sera automatiquement en jeu (non chargé) à la partie suivante.

Mais alors, les grands symboles récurrents de la campagne, comment ils reviennent ? Et bien s'ils sont si récurrents que ça, ils vont revenir de toute façon. Soit les PJs les retrouveront tout seuls dans le corpus de la partie suivante :
"Hé! Regardez ce que je viens de trouver dans le guide vert. Le tribunal de commerce est rue de l'épervier. Vous vous souvenez de ce groupe de Mystes qui avaient pour symbole un épervier ?"

Soit le MJ les réintroduira lors des rites
MJ : Dans la crypte, tu remarques immédiatement une statue de vierge noire.
Joueur : Han! Comme dans l'avant-dernière séance ! C'est un symbole ?
MJ : Carrément !
En cours de partie il faut donc gérer quels symboles sont en jeu, quels symboles sont chargés, et quel symbole a été utilisé dans la narration de quel joueur depuis la dernière fois où il a été déchargé. On peut peut-être gérer ça avec des post-it.
  • Quand un symbole est mis en jeu, on l'inscrit sur un post-it et on le dispose près du MJ, face aux joueurs
  • Quand un joueur utilise un symbole dans sa narration, il prend le post-it et le place proche de lui, face aux autres joueurs.
  • Quand un deuxième joueur utilise un symbole dans sa narration, il prend le post-it et le pose au centre de la table, proche des pioches.
  • Quand un joueur décharge le symbole, il replace le post-it proche du MJ.

Bon, bein il n'y a plus qu'à tester tout ça !

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