Version de travail du jeu

samedi 6 août 2022

L'enquète vue par le prisme du Modèle Analytique de la Narration Naturelle

Ces derniers temps, kF met en forme un modèle théorique pour décrire le jeu de rôle. Tout le monde ne lira pas tout, mais je trouve très accessible son dernier article sur la solidité par la confiance. Elle y développe entre autre l'idée que l'impression de solidité dans l'enquête improvisée est basée sur une forme de confiance. Comme tout ce qui touche à l'enquête ± improvisée m'intéresse particulièrement, je vais essayer d'applique le prisme du Modèle Analytique de la Narration Naturelle (MANN) à diverses formes d'enquête improvisée.

Façon Appel de Cthuluh

Le MJ dispose d'un scénario écrit à l'avance qui décrit les faits et les indices : Qui est la victime, comment s'est passé le meurtre, qui est le meurtrier, pour qu'elle raison, qui est sa complice malgré elle, quels indices mènent à elle, mais quels autres indices laissent penser qu'elle n'a pas agit seule, comment réagira le vrai meurtrier quand on trouvera le livre impie dans sa bibliothèque. 

Dans ce cas, la solidité perçue par les joueuses repose sur la confiance qu'il existe cette préparation qu'elles peuvent sonder de toutes les façons disponibles à leur PJs.

Le problème c'est que si la meneuse suit à la lettre cette préparation, et qu'aucune joueuse n'a l'idée de regarder dans la bibliothèque, et bien il n'y a aucun moyen de faire réagir le vrai meurtrier.

Façon Magistrats et Manigances/indices improvisés & faits connus

Le MJ dispose d'un scénario qui décrit les faits et leur logique, mais pas les indices. La meneuse improvise des indices qui correspondent à la direction dans laquelle les PJs cherchent.
- Est-ce qu'il y a un cours d'eau à proximité du corps ?
- Heu… oui, un ruisseau à une centaine de mètres
- J’inspecte minutieusement les berges
- Et bien … Tu trouves l'empreinte d'une bottine de femme à côté d'une chaussure d'homme
- Mais ! Ça ne peut pas être Marie-Christine qui a laissé les deux empreintes ! 

Dans ce cas, la solidité perçue par les joueuses repose sur la confiance qu'il existe une logique derrière les indices improvisés. Il est possible aux joueuses de sonder cette logique de toutes les façons accessibles à leur PJs, et probablement de façon moins frustrante que dans le dispositif AdC où les indices sont immuables.

Je remarque qu'il y a une complicité entre la joueuse et le MJ dans l'improvisation d'un indice. L'indice est co-construit à partir des idées de la joueuse, des capacités de son personnage et de la préparation de la meneuse.

Façon Magistrats et Manigances/faits improvisés

Le MJ ne dispose que d'une situation de départ et quelques indices pour lancer l'enquête. Les faits sont à improviser au fur et à mesure par la meneuse avec quelques coups d'avance sur les joueurs. 

Dans ce cas, la confiance est renégociée à chaque fois que la meneuse improvise de nouveaux faits. C'est un mode qui peut être très plaisant pour tout le monde grâce à la tension de la cohérence retrouvée ressentie également par la meneuse. Mais elle doit tout le temps jouer l'équilibriste pour construire des indices et des faits tout en conservant la confiance des joueuses.
J'imagine qu'il faut avoir des référentiels de cohérence bien alignés pour que ça marche, mieux alignés que dans les autres modes.
J'ai l'impression que dès que la confiance vacille on peut passer de la complicité à la compétition, avec les joueuses qui cherchent à trouver la faille, ce qui tue le plaisir de tout le monde.

Lors d'un test récent de Nephiloth j'ai réussi à mettre en place un dispositif de jeu similaire. A mon avis l'une des raisons qui a fait que ça a été fonctionnel c'est que j'ai délégué au coup par coup beaucoup d'autorité à telle ou telle joueuse sur un décors qu'elle avait souhaité ou une situations. Quelque part, ça renforce la complicité et ça aide au sentiment de co-construction. Par contre je pense que la sensation d'avoir découvert un mystère a été moins forte pour les joueuses. Peut-être qu'elle a été diluée à chaque étape de la co-construction plutôt que concentrée à la fin.

Façon Brindlewood bay

Le MJ dispose d'une situation de départ, de PNJs, d'indices flottants mais ne connait pas les faits. Là où les PJs cherchent, la meneuse leur fait trouver un des indices flottants. Par exemple si les PJs cherchent sur le corps du noyer, le MJ choisit de leur fait trouver une boucle d'oreille en diamant. Mais s'ils avaient cherché sur la plage ils l'auraient trouvé sous un rocher, à moins que le MJ décide que parmi sa liste, trouver une montre en avance de 2h serait plus logique/sympa/intéressant/cohérent. Oui, je ne sais pas du tout qu'est-ce qui fait que le MJ décide de poser un indice plutôt qu'un autre à part 🪄  cohérence 🪄 

Suivant les parties que j'ai jouée ou écoutée, j'ai vu des meneuses qui acceptaient de détailler l'indice trouvé (il y a la marque d'un bijoutier de la ville sur la boucle d'oreille) ou non.

Dans tous les cas, ce sont les joueuses qui sont chargées en fin de séance de rendre cohérent les indices trouvés dans une théorie unificatrice. La véracité (totale ou partielle) de cette théorie est déterminée par un jet de dés.

Dans ce dispositif il me semble qu'il n'y a pas du tout de construction de solidité basée sur la confiance. Par contre la solidité est co-construite par toute la table tout au long de la partie, mais en particulier lors de la phase de théorisation et après un jet de dé négatif où une solution alternative doit être trouvée. 

Le plaisir de jeu vient d'avoir bien donné corps au canon d'enquêtrices géniales, de petite ville aussi endormie qu'inquiétante, et d'avoir interprété des super mamies. La résolution de l'enquête n'est pas ce qui apporte l'excitation d'hyper cohérence dont parle kF dans un article précédant.

Confiance et complicité dans Trip to Skye

kF discute aussi au delà de l'enquête improvisée la solidité par la confiance dans Trip to Skye. Dans ce jeu, les personnages sont créés lors d'une partie en duo joueuse+MJ pendant laquelle on détermine les grande lignes du personnage puis on joue quelques scènes importantes de sa vie. Ce dispositif donne une grande solidité au personnage avant même les premières parties communes. Il permet à la joueuse de dévoiler petit à petit ses mystères avec une grande confiance de la part des autres joueuses.

Comme dans l'enquête ou les indices sont improvisés à partir d'une préparation cohérente on a un squelette de préparation autour duquel on improvise avec la confiance des autres. Néanmoins, la façon dont cette confiance est gagnée est toute autre : d'un côté le MJ qui a fait une sorte de solo pour élaborer le mystère, de l'autre le duo MJ+PJ qui ont joué quelques scènes et sont donc témoins et complices de la solidité.

Dans le cas de Trip to Skye on pourrait dire qu'il y a délégation d'autorité de la meneuse vers la joueuse. À tout moment là meneuse pourrait dire "non, là tu pousses un peu. On sort 2 minutes pour que je te réexplique ?" Mais en pratique je ne le vis pas vraiment comme ça quand on joue à Trip to Skye. Je pense qu'une modélisation par la co-construction et la complicité est plus proche de la réalité. La meneuse est complice de la joueuse lors de la création de personnage. Il y a eu validation des idées, co-construction. Pendant une partie commune il y a des références obscures aux autres joueurs qui s'échangent, une complicité qui fait dire aux autres joueurs que tout ça est bien solide.

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