Version de travail du jeu

mardi 27 février 2018

Nephilim est-il luddiste ?

Le luddisme, c'est la révolte des artisans anglais du textile contre les machines qui les remplaçaient petit à petit. Un Luddiste ou Luddite est un casseur de machine.

Le ludisme, c'est un vilain jargon de théorie de jeu de rôle traduit de l'américain. Ca veut dire qu'on joue pour se mettre en avant, être reconnu, avoir le droit de se vanter.
Vous avez vu le joli coup que j'ai joué quand j'ai posé cette tuile ? Vous avez vu comme je suis incollable sur les questions vertes ? Vous avez vu comme je vous ai tous sauvé en combinant ces deux sorts ? Vous avez vu comme j'ai bien fait de fouiller jusque sous l'oreiller du marchand ? Vous avez vu comme j'ai résolu l'énigme ? Vous avez vu comme j'ai su optimiser mon personnage ?

Quand tous les participants sont là dans une optique ludiste et que le jeu s'y prête, c'est très agréable. On se met en avant et les autres reconnaissent nos qualités.  
Vous vous souvenez quand elle a réussi à baratiner le comte vampire ? Le meilleur c'est quand même Korty qui a fait 72 sur un D6 explosif ! Clairement pour une mission comme ça c'est à vous deux d'y aller. La dernière fois vous aviez tellement plié mon scénario que je vous ai préparé un peu plus de challenge cette fois-ci.

Par contre, si certains participants sont là dans une autre optique, le moment de jeu risque de mal se passer.
Mais arrête de passer des heures à te préparer pour cette attaque, j'aimerai que l'histoire avance un peu ! C'est bon, t'as fini ta cinématique, on peut le poutrer maintenant ? J'ai trouvé ça nul que le PNJ nous donne la clef de l'énigme, on n'avait vraiment aucun moyen de comprendre tout seuls. Mais ... mais ... tu te rends compte de ce que j'ai investi dans cette armure, tu ne peux pas la bousiller comme ça sans lancer de dés juste parce que ton PNJ est trop fort !
Bien sûr, ce sont parfois les participants eux-mêmes qui ont du mal à se mettre d'accord formellement ou informellement sur l'optique de jeu de la table. Mais souvent le problème se situe au niveau même de la conception. C'était du moins le cas dans les années 90 quand Nephilim a été écrit. On pouvait avoir une création de personnage qui cherchait à créer des personnages à la psychologie complexe et un système qui n'était capable que de résoudre les combats et les poursuites en voiture. On pouvait avoir des règles qui incitaient à l'optimisation et des scénarios cinématographiques. On pouvait avoir un jeu d'enquête où on n'avait qu'une chance sur deux de découvrir chaque indice. Devant ces propositions contradictoires, certains participants choisissaient une option, les autres une autre, il y avait dispute (entre participants, pas entre personnages) et soit on arrivait à aligner les façons de voir le jeu, soit le groupe explosait.

J'ai réécouté aujourd'hui le podcast ou La Cellule analyse sa campagne de Nephilim. Ils ont joué assez proche des règles (système Chaosium, donc première ou seconde édition), mais pas complètement car sinon c'est injouable. D'après Romaric, l'hôte du podcast, le système de jeu incite à jouer ludiste (à partir de 59min). Le fait de découvrir des énigmes donne le droit de se vanter donc incite à jouer ludiste. L'opposition des templiers incite à jouer ludiste. Mais cette optique est contredite par les scénarios linéaires, les passages obligés, et en particulier les passages obligés qui impliquent un affaiblissement arbitraire du personnage.
J'ai bien joué, j'ai fait plaisir au MJ en tordant mon personnage pour qu'il rentre dans ton scénario et toi tu m'effaces des caracs !
Par ailleurs, la création de personnage permet de créer un personnage haut en couleur, multimillénaire,etc. Donc on cherche à faire des descriptions ... qui à la fin ne servent pas à grand chose car le système de résolution ne les prend pas en compte.

A mes tables, nous avons aussi eu ces tensions engendrées par le système. Mais nous avons vite fait fi du système. Nos personnages étaient cools ? Jouons nos personnages sans nous préoccuper des mécaniques de résolution. J'ai du mal à reconnaître le ludisme dans notre façon de jouer sans mécanique pour comparer les exploits de nos personnage. Sans mécanique qui permet de (mal) gérer les combats, les oppositions physiques deviennent rares. De plus, même s'il m'est arrivé d'être content d'avoir résolu une énigme ou de féliciter un autre participant pour avoir eu une idée décisive, le but n'était clairement pas de se vanter.

Nous tissions une histoire, nous nous drapions dans un monde, mais nous n'étions pas ludistes. Nous avons aussi haché menu les scénarios mécaniques du commerce pour les reconstruire sous forme de bac à sable. À bas la mécanique de résolution, à bas  les scénarios mécaniques ! Nous étions peut-être luddistes.

P.S.: mis à jour pour ne pas dire que nous jouions "sans système" mais plutôt "sans mécanique". Merci Frederic Sintes pour la remarque.

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